Réinvestissement dans le bureau de la traduction

La ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Judy Foote. Crédit photos: Benjamin Vachet

OTTAWA – La ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Judy Foote, a annoncé, le jeudi 9 février, plusieurs mesures pour améliorer la situation du Bureau de la traduction.

BENJAMIN VACHET
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Très attendue, la ministre Foote n’est pas venue les mains vides devant le comité des langues officielles. Elle qui avait fait l’objet de nombreuses critiques, y compris dans son propre camp politique, après la réponse de son ministère au rapport du comité sur le Bureau de la traduction, a même conclu son passage sous quelques applaudissements des élus.

« Je reconnais que la réponse que nous avons fournie n’était pas suffisante. Mais grâce à vos efforts et aux nôtres, nous avons pu réfléchir à toutes les possibilités pour nous assurer de maintenir le rôle du Bureau de la traduction », a-t-elle assuré, tout en glissant au passage un petit commentaire partisan qui a fait réagir la députée Sylvie Boucher.

Dans sa présentation, la ministre a rappelé l’importance du Bureau de la traduction.

« Le Bureau de la traduction joue un rôle crucial pour la fonction publique, le parlement et pour tous les Canadiens. C’est un organisme qui soutient la dualité linguistique et dont l’importance ne se dément pas. »

L’avenir du Bureau de la traduction occupe le devant de l’actualité depuis plusieurs mois. Les abolitions de quelque 400 postes par attrition au cours des quatre dernières années et les 144 autres abolitions prévues d’ici 2017-2018 ont été dénoncées par plusieurs intervenants qui redoutaient que cela nuise à la capacité de l’institution à bien faire son travail. La mise en place d’un outil de traduction défaillant, et d’un système de demande d’offre à commandes pour des services d’interprétation de conférences avait également été critiquée.

Plusieurs mesures

La ministre Foote a indiqué avoir tenu compte de ces inquiétudes et des recommandations contenues dans le rapport du comité permanent des langues officielles et a présenté son plan pour faire du Bureau de la traduction « un centre d’excellence », selon ses termes.

« C’est un jour nouveau pour le Bureau de la traduction. On redonne ses lettres de noblesse à cette institution. Nous renversons la vapeur. Nous avons un plan pour une nouvelle gestion, assurer la relève et la ministre a la détermination de faire en sorte que le Bureau de la traduction devienne de nouveau obligatoire », a déclaré le secrétaire parlementaire de la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Steven MacKinnon.

Actuellement, les ministères ont le choix de faire appel au Bureau de la traduction ou de recruter directement leurs propres traducteurs pigistes, sans obligation de s’assurer que ces derniers soient accrédités par le parlement, au détriment de la qualité, selon la responsable canadienne pour la défense des intérêts de l’Association Internationale des Interprètes de Conférence (AIIC), Nicole Gagnon.

La ministre des Services publics et de l’Approvisionnement dit avoir interpellé le président du Conseil du Trésor, Scott Brison, sur cette question.

« Cela va être étudié dans le cadre de la révision de la Loi sur les langues officielles entreprise par M. Brison et la ministre Joly », a précisé M. MacKinnon.

En novembre dernier, les deux ministres avaient annoncé leur intention de moderniser les règles qui déterminent où le gouvernement fédéral doit fournir des services bilingues à travers le Canada. Ces nouvelles règles ne devraient entrer en vigueur qu’en 2021, toutefois.

Soulagement

La ministre a annoncé qu’un nouveau président-directeur général du Bureau de la traduction devrait être embauché dans les prochains mois pour remplacer Donna Achimov, l’ancienne responsable du Bureau de la traduction qui avait essuyé de nombreuses critiques et a depuis été mutée. Un poste de dirigeant principal de la qualité sera créé pour « s’assurer que les services linguistiques du Bureau de la traduction sont de la plus grande qualité ».

Autre motif de satisfaction pour l’AIIC, l’annonce par la ministre de l’abandon du système de demande d’offre à commandes pour des services d’interprétation de conférences, critiqué pour favoriser l’embauche du plus bas soumissionnaire sans égard pour la qualité, selon plusieurs intervenants. Un nouveau processus devrait être lancé en collaboration avec des intervenants « afin de tenir compte de la priorité du gouvernement selon laquelle la qualité des services d’interprétation demeure au cœur de nos services linguistiques », selon le ministère.

« Nous sommes soulagés, car les élus se sont finalement entendus sur l’argument que nous avancions, celui de la qualité des services à laquelle le public canadien est habitué. Les choses sont bien entamées », a commenté Mme Gagnon.

Encore des inquiétudes

La responsable canadienne pour la défense des intérêts de l’AIIC voit d’un bon œil la volonté du ministère de mettre un terme à une période de compressions et sa volonté de perfectionner la prochaine génération d’employés en embauchant un minimum de 50 étudiants par année au cours des cinq prochaines années. Mais pour le député néo-démocrate et porte-parole aux langues officielles, François Choquette, cela reste une source d’inquiétude.

« C’est une bonne nouvelle, car la première réponse était totalement inacceptable! On s’en va dans la bonne direction, mais je suis toujours inquiet de toutes les coupures de postes par attrition et de l’ambiance et de la pression que cela fait peser sur les interprètes et les traducteurs. D’autant qu’on semble vouloir maintenir cette volonté de diminuer le nombre d’employés. »

Réclamée par plusieurs élus et par plusieurs témoins, l’idée lancée devant le comité de transférer la responsabilité du Bureau de la traduction à Patrimoine canadien ne fait pas non plus partie des mesures annoncées dans le plan de Mme Foote.

« Nous aimerions bien que le Bureau de la traduction revienne à Patrimoine canadien, car c’est là qu’il était autrefois et que les langues officielles relèvent d’un seul ministère. À l’heure actuelle, les langues officielles sont partagées entre plusieurs ministères ce qui fait que c’est fragmenté et qu’on se renvoie la balle. Ce serait plus simple d’avoir un seul interlocuteur », note Mme Gagnon.

Pour la critique conservatrice aux langues officielles, Sylvie Boucher, le changement de ton du gouvernement s’explique par le travail du comité. Et celui-ci n’est pas terminé, selon elle.

« On a été capable de faire changer les choses avec l’aide de nos témoins. Je suis contente de voir que la ministre Foote s’est mis au diapason du comité qui s’était élevé au-dessus de la partisanerie pour travailler ensemble. C’est sûr qu’il reste des questions à déterminer. Ce n’est qu’un plan qui a été annoncé aujourd’hui et on va en regarder la mise en œuvre avec un œil critique comme on l’a toujours fait. »