La campagne fédérale commence pour la francophonie

Les trois députés fédéraux au cours du panel.

 

OTTAWA – Les partis commencent à aiguiser leurs arguments sur la francophonie en vue de l’élection fédérale le 19 octobre.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

Le député conservateur et secrétaire parlementaire pour la Francophonie, Bernard Trottier, son homologue et ancien porte-parole en matière de Langues officielles pour le NPD, Yvon Godin, et le libéral Stephane Dion ont croisé le fer pendant plus de deux heures à l’Université d’Ottawa, jeudi 4 juin.

Sous l’invitation de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) et à quelques mètres à peine de l’hôtel de ville d’Ottawa, les trois panélistes ont d’emblée montré leurs divergences sur le projet de bilinguisme officiel pour la capitale.

« Nous souhaitons qu’Ottawa devienne bilingue », a lâché, vindicatif, l’ancien chef du Parti libéral, soutenu sur le coup par M. Godin dans un langage coloré : « Ottawa a une responsabilité, un rôle à jouer (…) Nom de Dieu, respectez les langues. »

Des arguments habilement bottés en touche par M. Trottier dont l’argumentaire n’a pas été sans rappeler celui du maire de la Ville, Jim Watson : « On peut obtenir beaucoup de services en français à Ottawa. On a le plaisir de vivre dans une capitale si bien (sic). Il n’y a pas de guerre raciale. »

Le débat sur le statut bilingue de la Ville d’Ottawa connait un regain d’intérêt depuis plusieurs mois, mais les différents paliers gouvernementaux continuent de se renvoyer la balle sur la responsabilité de la désignation.

Autre sujet les deux partis d’opposition ont accordé leur violon : un rôle plus élargi pour le commissaire aux langues officielles du Canada.

Citant à maintes reprises l’exemple d’Air Canada, M. Godin a plaidé pour une possibilité donnée à l’agent parlementaire de « mettre des contraventions » à ceux ne respectant pas la Loi sur les langues officielles.

Ce à quoi M. Trottier a répondu qu’il y avait une séparation entre le rôle de « la police » et celui d’une « cour de justice ». M. Dion a rappelé dans le même temps son projet de loi pour s’assurer que les droits linguistiques et d’autres droits fondamentaux soient respectés à bord des vols internationaux.

À titre de « résidente francophone », la présidente de la FCFA, Marie-France Kenny, a profité de la période de questions pour interpeller les députés sur le respect de la Loi de 1969 : « Oui ou non, un ministre va-t-il se lever pour faire respecter cette loi? ». Sans réponse convaincante.

 

« faire des bébés » 

L’organisme porte-parole des francophones hors Québec attendait sans doute des réponses sur le dossier brûlant de l’heure : l’immigration en zone minoritaire. Surtout après le constat d’échec du chiffre de 2% de nouveaux arrivants, là le gouvernement fédéral fixait un objectif de 4,4% en 2003.

« On a oublié de faire des bébés, ça pose un problème », a lâché le député conservateur, avant de qualifier de « grand succès » le programme électronique Entrée Express, sensé dynamiser l’immigration francophone hors Québec.

Sensiblement sur la même longueur d’onde, MM. Dion et Godin ont fustigé la politique du gouvernement en la matière. « Les immigrants ne sont pas assez avertis des opportunités », a lancé le député libéral, alors que son collègue néo-démocrate déplorait la « sous-utilisation » des immigrants.

« Je regrette qu’il n’y a pas eu d’engagements plus clairs lors de la discussion », a d’ailleurs fait savoir Mme Kenny à #ONfr, à la fin du panel. « Le problème, c’est que depuis 20 ans, on ne tient pas compte des spécificités francophones sur l’immigration. »

 

Feuille de route

Les deux partis d’opposition n’ont en revanche pas utilisé les mêmes arguments sur la Feuille de route, renouvelée par le gouvernement fédéral en 2013. Comprendre la stratégie quinquennale de 1,1 milliard du gouvernement conservateur pour les communautés linguistiques en situation minoritaire.

Très en verve sur le sujet, M. Dion a dénoncé une enveloppe qui n’avait pas été augmentée depuis 2005. « C’est de la fraude, de la manipulation et du recyclage », a-t-il décoché pour illustrer le contenu.

L’ancien porte-parole néo-démocrate aux Langues officielles a regretté pour sa part un dispositif « ne visant pas assez les communautés ». Plus défensif sur cette question, M. Trottier a parlé du plan comme une « valeur ajoutée ».

 

Éducation

Le ton est également monté sur l’éducation en français, au moment une pile de dossiers sur la gestion scolaire par et pour les francophones se retrouve sur la table de la Cour suprême du Canada.

« L’article 23 (de la Charte canadienne des droits et libertés) n’est pas négociable. On ne peut pas fédéraliser la responsabilité de l’éducation. On doit la laisser aux provinces », a martelé M. Trottier. « Les communautés dépensent l’argent en Cour au lieu de l’utiliser pour leurs enfants », a ironisé alors M. Godin.

Ce dernier n’a pas manqué aussi de se prendre de bec avec son homologue libéral sur la responsabilité des coupures à Radio-Canada, notamment sous le mandat de l’ancien premier ministre Jean Chrétien en 1998. « L’économie était au plus mal, il fallait bien faire des sacrifices », s’est défendu M. Dion.