Justice en français : le projet pilote d’Ottawa à la loupe

Palais Justice Ottawa
Le Palais de justice d'Ottawa. Crédit image: Archives #ONfr

 

OTTAWA – Les détails du projet pilote annoncé à l’automne dernier et visant à faciliter l’accès aux services en français au palais de justice d’Ottawa attendent encore.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

Si la date du 29 mai est désormais cochée pour le grand lancement, tout n’est pas réglé concernant l’offre active pour que les francophones soient servis dans leur langue.

Animée par l’avocat Ronald Caza, la première consultation publique du genre, mardi 14 avril, au Centre francophone de Vanier, a permis de rappeler les manques habituels. Le tout devant une quarantaine de leaders francophones locaux.

Et les exemples, déjà mis en exergue dans le rapport Rouleau/Le Vay en 2012, et intitulé Accès à la justice en français, se multiplient : des procès bien souvent retardés dans les zones non protégées par la Loi de 1986 sur les services en français, un manque de juges et de greffiers bilingues, en encore une obligation d’accepter l’anglais pour éviter des frais additionnels.

Là où le bât blesse, c’est que la province bénéficie pourtant d’un régime de bilinguisme officiel dans le domaine de la justice depuis 1984. Les articles 125 et 126 de la Loi sur les tribunaux judiciaires accordent alors le droit de plaider une cause en français sans l’aide d’un interprète, et ce, tant en matière criminelle que civile.

« Plusieurs francophones ne sont pas au courant de la loi et utilisent le système en anglais. Il faut s’assurer que ceux-ci demandent vraiment le service en français », a illustré Me Caza. Peut-être sont-ils intimidés par le système judiciaire et ont-ils la perception que c’est donc mieux d’être servi en anglais. »

Solution? Informer les justiciables au mieux, avance le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Denis Vaillancourt. « Les premiers contacts pour eux sont bien souvent les services policiers et les avocats de première ligne. Ces gens-là ont des rôles-clés en rappelant aux citoyens qu’ils peuvent être servis en français. »

Autre enjeu soulevé au cours de la consultation : la qualité du français des avocats. Car si ces derniers sont plus disponibles que les juges en Ontario, certains ne seraient pas en mesure de comprendre « toutes les nuances » linguistiques d’un procès, ont argué certains intervenants.

« Le barreau permet certes de s’identifier, mais on peut s’interroger si ces gens sont capables de plaider en français », a de fait soutenu M. Vaillancourt. « On ne devrait donc pas seulement s’identifier francophone, mais aussi signer par exemple un document indiquant que l’on peut plaider en français. »

Ailleurs qu’Ottawa

Reste que le déroulement du projet dans les autres régions de la province est « vivement souhaité ». C’est du moins ce qu’avait affirmé la procureure générale, Madeleine Meilleur, en entrevue récente pour #ONfr. Une initiative qui passerait selon elle par l’emploi de juges et de procureurs de la Couronne.

« Le projet pilote doit effectivement servir de modèle », a illustré Me Caza lors de son allocution. « Il peut être une opportunité extraordinaire comme un désastre (…) Si c’est un succès à Ottawa, le ministère du Procureur Général n’aura pas d’autre choix que de le mettre en place dans les autres parties de la province, où peut-être, même plus qu’à Ottawa, les francophones sont vulnérables. »