Immigration francophone : le moment n’est pas idéal

Des consultations communautaires sur l'immigration francophone ont eu lieu dans la province.Archives #ONfr

[ANALYSE]

Des chiffres alarmants qui s’accumulent, un sentiment de déclin des francophones hors Québec qui s’intensifie… Jamais l’immigration francophone en Ontario n’a paru un enjeu aussi important.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Et les efforts ne manquent pas pour atteindre les 5 % d’immigrants francophones dans la province, et répondre ainsi à la cible souhaitée par Queen’s Park. Dernier épisode en date : la recommandation faite par l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) aux gouvernements de l’Ontario et du Canada pour la création d’un « forum » Destination Ontario français.

Grosso modo, un outil de promotion efficace de l’Ontario français à l’échelle internationale. Une suggestion dans la lignée de l’adhésion de la province à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en novembre dernier.

Tout cela est noble sur le papier, mais la volonté de l’AFO et autres organismes pourraient très vite se heurter à des circonstances défavorables pour la promotion de l’immigration francophone.

Très attendu à la fin mars, le sommet sur l’immigration francophone à Moncton se fera avec de nouveaux décideurs. Marie-France Lalonde, ministre déléguée aux Affaires francophones en Ontario et son homologue des Affaires civiques et de l’Immigration, Laura Albanese, occupent leurs portefeuilles respectifs depuis moins d’un an.

Au niveau fédéral, les francophones ont perdu beaucoup avec le départ en janvier du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCullum. Dans les coulisses, l’arrivée de l’unilingue Ahmed Hussen n’a pas vraiment rassuré. De même, le remplacement du franco-albertain Randy Boissonnault au poste de secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien a fait grincer beaucoup de dents.

Il faut souvent un travail de l’ombre redoublé des organismes et du temps pour que les nouveaux venus comprennent ces dossiers complexes. À cinq semaines du sommet crucial à Moncton, le momentum est évidemment mauvais.

À cela s’ajoute une possible crise migratoire accentuée pour le Canada au printemps. Depuis quelques semaines, ils sont nombreux à fuir les États-Unis, craignant d’être expulsés à la suite du durcissement des règles sur l’immigration. Radio-Canada révélait récemment  que les demandeurs de statut de réfugié à Toronto, hébergées par la Ville, avaient bondi de 80 % en janvier.

Il y a fort à parier que ces possibles immigrants ne maitriseront pas le français. De même, l’engagement certes louable de Justin Trudeau cette semaine d’accueillir 1 200 réfugiés yézidis ne servira pas tout à fait les intérêts de la communauté francophone.

On pourrait bien sûr arguer que seul doit compter le nombre de francophones capables de s’installer en Ontario. Mais ça serait oublier que la valeur absolue est un indicateur bien faible en comparaison de la proportion. Et avec moins de 5 % de représentants dans la province, les Franco-Ontariens voient leurs poids diminuer au fur et à mesure des années.

En plus de ces circonstances, 2017 ne sera pas une année de grandes victoires pour les francophones. Selon toute vraisemblance, Ottawa ne sera pas désignée officiellement bilingue et l’université franco-ontarienne ne verra pas sa première pierre cette année.

Or, le Nouveau Brunswick et le Manitoba, souvent pris en exemple par les Franco-Ontariens sur le dossier de l’immigration (Destination Ontario français serait bâti sur le modèle de Destination Acadie) possèdent chacuns des outils susceptibles d’attirer et conserver des francophones du monde entier : une université de langue française.

Pour pallier les vents défavorables de 2017 sur l’immigration francophone, il faudra en somme bien plus qu’ériger des monuments et déployer des drapeaux verts et blancs. Reconnaître du côté de Queen’s Park l’immigration francophone non pas comme un vague besoin, mais une empreinte de l’identité canadienne, serait déjà un avancement.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit le 25 février.