Immigration francophone : le cri du cœur de Marie-France Kenny

La présidente de la FCFA, Marie-France Kenny.

OTTAWA – Rarement la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) n’aura exprimé avec autant de colère son constat de l’immigration francophone hors Québec.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

C’est une Marie-France Kenny, virulente et à un moment même submergée par les larmes, qui a témoigné, jeudi 26 mars, devant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes. « On voudrait tuer la francophonie à petit feu, éliminer nos communautés par attrition, qu’on ne s’y prendrait pas autrement », a décoché la responsable, rappelant une nouvelle fois que 98% de l’immigration hors Québec était constituée d’anglophones.

Sur sa lancée, Mme Kenny n’a ménagé personne autour de la table. « Il faut un coup de barre cohérent le plus vite possible (…) J’ai l’impression quand je viens à ce genre de comités d’avoir affaire à des luttes partisanes et à des agendas politiques plus qu’à un organisme désireux d’assurer la Loi sur les langues officielles. Ça fait depuis 45 ans et la mise en place de cette loi que c’est ainsi (…) On me manque de respect. »

La présidente n’a également pas caché sa colère concernant le programme Entrée express, durant les quelque dix minutes de son allocution. Lancé en janvier par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) afin de gérer les demandes de résidence permanente présentées au titre de certains programmes d’immigration économique, ce dernier ne comporte pour le moment aucune spécificité à l’immigration francophone.

« La FCFA savait qu’il manque une lentille francophone, mais on a appris hier (mercredi 25 mars) que cet outil pour les immigrants (Entrée express) ne demandait même pas les bases, à savoir l’identité linguistique des immigrants. C’est pourtant l’outil qu’on tente de nous vendre depuis trois ans comme la réponse pour l’immigration francophone. »

Dans le cadre de la 9e journée de réflexion sur l’immigration francophone, le 2 mars, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Chris Alexander, avait dévoilé son principal engagement : apporter une lentille francophone le plus rapidement possible au programme.

Si M. Alexander se déclare toujours « déçu » publiquement du taux d’immigration francophone, tout en restant évasif sur les chiffres, Mme Kenny a rappelé le gouvernement à ses devoirs, lors de son allocution : « On est très loin de la cible de 4,4% fixée par le gouvernement en 2006. D’ailleurs, selon les chiffres de CIC, on parle même d’un chiffre de l’immigration francophone de 1,35% de janvier à mars 2014. C’est un scandale. »

« Accumulation de choses »

Jointe par #ONfr au lendemain de sa présentation détonante, Mme Kenny a expliqué sa démarche par une « accumulation de choses » au cours des derniers jours… mais aussi des derniers mois.

« Il y a certes ce que l’on a appris sur Entrée express, mais il faut savoir qu’en 2010, le même Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes nous avait écoutés, puis avait produit un rapport sur le même sujet de l’immigration francophone, finalement mort au feuilleton du fait du déclenchement des élections fédérales. Une étude du même genre avait été menée en décembre dernier par le Sénat et pour laquelle nous avions aussi témoigné. On a juste l’impression de toujours dire les mêmes choses et tourner en rond. »

Mme Kenny affirme n’avoir aucune animosité contre le ministre Alexander, même si la promesse d’une lentille francophone au programme Entrée express reste pour elle une « annonce pour une annonce ». La cible plutôt de sa colère : « l’appareil gouvernemental qui ne fonctionne pas bien », selon ses mots.

À la barre de la FCFA depuis 2009, Marie-France Kenny passera la main à la fin de son mandat prévu au mois de juin. En vertu des directives de l’organisme, la présidente sortante ne pourra effectivement pas solliciter un quatrième mandat.