Hydro One : les agents du parlement s’inquiètent

Pour l’opposition à Queen’s Park, qui a pris part à une manifestation contre la privatisation d’Hydro One, le 13 mai, la perte de surveillance de la société viendrait retourner le fer dans la plaie.

 

TORONTO – Le Commissaire aux services en français de l’Ontario mêle sa voix à un concert d’inquiétudes des agents indépendants du parlement provincial par rapport à la privatisation imminente d’Hydro One. François Boileau craint que la société de distribution et de transmission d’électricité ne soit subséquemment plus assujettie à Loi sur les services en français.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Les huit agents indépendants de la Législature ontarienne ont fait parvenir une lettre au gouvernement de Kathleen Wynne dans laquelle ils ont mis en garde le clan libéral contre une « une importante perte de pouvoirs de surveillance » d’Hydro One, le jeudi 14 mai.

François Boileau et ses collègues – notamment l’Ombudsman André Marin et la Vérificatrice générale Bonnie Lysyk – ont encouragé le gouvernement provincial à « reconsidérer sa décision de soustraire Hydro One et ses filiales de la surveillance des agents indépendants du parlement ».

Telle qu’annoncée dans le prochain budget de l’Ontario, la vente jusqu’à 60% d’Hydro One au secteur privé « réduira l’étendue des examens qui pourront être menés au nom des contribuables de la province », estiment les agents du parlement.

Le Commissaire aux services en français pourrait perdre son droit de regard sur les services aux clients francophones de la société d’État provinciale, tout comme l’Ombudsman pourrait perdre son droit d’enquêter sur les plaintes du public et la VG, son droit de mener des vérifications de rendement.

Ce ne serait pas la première fois que la privatisation d’un bien public mènerait à une perte de services pour les Franco-Ontariens. C’est arrivé il y a une quinzaine d’années lors de la vente de l’autoroute à péage 407 à un consortium de secteur privé, rien dans le contrat n’obligeant les nouveaux propriétaires dans le sens de la Loi 8 de 1986.

 

« Mécanismes de surveillance »

Le gouvernement de Wynne dit vouloir dégager un profit de 4 milliards $ de la vente d’Hydro One pour le réinvestir dans de grands projets d’infrastructure. Il promet, d’autre part, qu’il y aura toujours des « mécanismes de surveillance » une fois la privatisation complétée.

« Nous nous engageons à faire ce qui est dans le meilleur intérêt du public », a déclaré Deb Matthews, présidente du Conseil du Trésor, en réponse à une question de l’opposition dans la Législature, le 14 mai. « Nous nous engageons à bâtir l’infrastructure dont cette province a besoin », a-t-elle enchaîné sans préciser quel type de surveillance son clan entend continuer à exercer sur le distributeur d’électricité.

Pour l’opposition à Queen’s Park, qui a pris part à une manifestation contre la privatisation d’Hydro One, le 13 mai, la perte de surveillance de la société viendrait retourner le fer dans la plaie.

« Les agents du parlement ont raison. Ce budget enlèvera à Hydro One toute transparence et toute surveillance à un moment où nous en avons le plus besoin, étant donné les plaintes du public et les hausses des tarifs d’électricité », a scandé Victor Fedeli, député progressiste-conservateur de Nipissing.

« Personne n’a voté pour la vente d’Hydro One mais les familles ontariennes vont toutes en payer le prix avec des factures d’électricité plus élevées », a dénoncé à son tour la chef néo-démocrate Andrea Horwath. « Comme l’ont signalé les agents du parlement, les Ontariens vont aussi souffrir de la perte de surveillance publique d’Hydro One. »

 

Au-delà des 90%?

Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a ajouté son grain de sel au débat, le 14 mai. Armé d’un avis juridique, le groupe a affirmé qu’il n’y avait dans l’ébauche budgétaire de l’Ontario aucune garantie que la privatisation d’Hydro One s’arrêterait après que le gouvernement ait vendu 60% des actions de la société et qu’elle pourrait même dépasser les 90%.

« Si ce plan va de l’avant, nous allons perdre un bien public vital qui est le pilier de notre économie – quelque-chose que nos parents et nos grands-parents ont bâti et qui nous appartient tous. La vente d’Hydro One n’est pas logique sur le plan économique, et clairement pas d’un point de vue moral », a fait savoir Fred Hahn, président du SCFP pour l’Ontario, lors d’un point de presse.