« Hydro » : l’opposition réclame une enquête publique

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TORONTO – L’opposition à Queen’s Park réclame une enquête publique, semblable à la commission Charbonneau au Québec, pour faire la lumière sur l’octroi de contrats par le gouvernement libéral de Kathleen Wynne à des entreprises privées qui auraient contribué à la caisse électorale du parti au pouvoir.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

« Je veux voir une commission d’enquête sur la conduite de ce gouvernement », a exhorté le chef progressiste-conservateur Patrick Brown à sa sortie de la Législature, mercredi 6 avril. « Je crois que Kathleen Wynne a fait du gouvernement une machine à imprimer de l’argent pour le Parti libéral de l’Ontario. C’est inapproprié. »

Un consortium de banques ayant engrangé 29 millions $ lors de la privatisation d’un première tranche de 15% du fournisseur d’électricité Hydro One, l’automne dernier, aurait par la suite organisé une cueillette de fonds de 165000$ au profit du Parti libéral, selon M. Brown.

Le député progressiste-conservateur John Yakabuski a aussi indiqué, chiffres à l’appui, que sept entreprises ayant contribué au total 255000$ à la caisse électorale des libéraux ont reçu des contrats d’énergie éolienne de près de 430 mégawatts, alors que trois entreprises n’ayant rien donné au gouvernement n’ont reçu aucun contrat.

Patrick Brown croit qu’il est nécessaire d’avoir à Queen’s Park une commission d’enquête publique, comme la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction (CEIC) qu’a présidée la juge France Charbonneau au Québec, pour « que la vérité sorte ».

Les deux cas de collusion alléguée par le Parti PC pourraient n’être que la pointe de l’iceberg, selon l’opposition officielle.

Le député néo-démocrate Jagmeet Singh est d’avis, lui aussi, « qu’il y a clairement un problème » dans la manière dont le gouvernement libéral octroie des contrats au secteur privé. Il souhaite, à tout le moins, que le Bureau du commissaire à l’intégrité de l’Ontario se penche sur le cas de la privatisation d’Hydro One.

« Il y a certainement quelque-chose là », a fait valoir M. Singh à la presse parlementaire. « Il y a un petit groupe de personnes, au sein de ce consortium de banques, qui a bénéficié de la vente d’Hydro One. Ce même petit groupe de personnes a ensuite organisé une activité de financement au profit des ministres qui ont autorisé cette vente. »

Contrats et contributions

Cinq grandes banques canadiennes, dont Scotia et RBC, ont servi de teneurs de livres pour le compte du gouvernement lors de l’introduction en bourse d’Hydro One à la mi-novembre. Onze autres institutions financières ont servi d’assureurs dans la transaction. Elles ont touché 29 millions $ pour leurs services.

Début décembre, des hauts dirigeants des banques Scotia, RBC, TD, CIBC, Goldman Sachs, Barclays et Raymond James auraient pris part à une activité de financement au profit des ministres ontariens des Finances et de l’Énergie, Charles Sousa et Bob Chiarelli. Ils auraient fait tomber d’un seul coup 165000$ dans la caisse libérale.

La demande de l’opposition à Queen’s Park pour une enquête publique est intervenue, le 6 avril, alors que MM. Chiarelli et Sousa annonçaient la vente d’un deuxième bloc d’Hydro One, évalué à plus de 1,7 milliards $. La société est maintenant à 30% privatisée.

« Nous avons suivi religieusement les conseils des experts », s’est défendu M. Chiarelli, disant avoir laissé l’expert-conseil du gouvernement Ed Clark piloter l’introduction en bourse d’Hydro One sous la supervision indépendante de Denis Desautels, un ancien Vérificateur général du Canada.

« Le processus était ouvert et compétitif. Et comme c’est le cas pour les autres appels d’offres, nous n’avons pas été impliqués à titre de ministres », a insisté M. Sousa lors d’un point de presse, le 6 avril. « Nous avons fait de la transparence un élément important de cette transaction. »

Le clan Wynne souhaite vendre Hydro One à 60% afin d’investir 4 milliards $ dans l’infrastructure de la province et rembourser à hauteur de 5 milliards $ la dette du fournisseur d’électivité.

Dans le cas des contrats d’énergie éolienne octroyés à des entreprises ayant contribué à la caisse libérale, M. Chiarelli a parlé d’une simple « coïncidence ». Ces contrats ont été accordés par la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERÉ), a-t-il précisé.

Frein au cueillettes de fonds

Pressée de questions par l’opposition, la première ministre Kathleen Wynne a dit, le 5 avril, mettre un frein aux activités de financement de son parti avec des entreprises privées et des syndicats le temps que l’Ontario se dote de nouvelles règles plus strictes pour les cueillettes de fonds politiques.

« Nous avons des règles très claires pour l’octroi de contrats que nous suivons de très près », a martelé Deb Matthews, président du Conseil du Trésor, à sa sortie de la Législature, le 6 avril. « Je ne vois pas le besoin d’une enquête à ce moment-ci. Nous avons un processus qui est très clair et (…) il n’y a pas d’ingérence politique. »

Les allégations de l’opposition « ne tiennent tout simplement pas la route », de l’avis de Mme Matthews.

Le syndicaliste Fred Hahn, de la coalition Keep Hydro Public, croit au contraire qu’il faut une enquête publique ou policière pour faire le ménage à Queen’s Park.

« Ça sent la corruption quand les banques qui empochent des millions de dollars pour la vente d’Hydro One font en retour des gros dons au Parti libéral », a partagé M. Hahn à #ONfr. « Nous avons eu les scandales de Cybersanté, d’ORNGE, des centrales au gaz et maintenant d’Hydro One. Au moins, au Québec, il y a eu l’option d’une enquête publique. Les politiciens ont dû rendre des comptes. »

La CEIC, mise sur pied en 2011 par l’ex-premier ministre Jean Charest après de nombreuses pressions de l’opposition et du public, a permis de mettre en lumière plusieurs cas de collusion et de corruption au Québec.

En marge des audiences de la juge France Charbonneau, une équipe policière, l’Unité permanente anticorruption (UPAC), a aussi fait enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans la province. Son travail a mené récemment à l’arrestation de l’ex-ministre libérale Nathalie Normandeau, accusée d’abus de confiance et d’utilisation de la charge publique pour obtenir des faveurs.