Élections : Wynne majoritaire, Hudak quitte

TORONTO – Les libéraux de l’Ontario ont non seulement fait mentir les sondages, ils ont écrit une page d’histoire, le soir des élections provinciales du jeudi 12 juin.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Les troupes de Kathleen Wynne ont remporté un quatrième mandat consécutif à l’Assemblée législative et fait élire, pour la première fois au suffrage universel, une femme à la tête de la province.

Contre toute attente, le gouvernement sortant à Queen’s Park a renoué avec la majorité, après deux ans et demi de collaboration forcée, et peu féconde, avec l’opposition néo-démocrate.

Le Parti libéral a remporté 59 des 107 circonscriptions électorales de l’Ontario, soit cinq sièges de plus qu’il n’en faut pour former un gouvernement majoritaire.

C’est la première fois, depuis un siècle, que les libéraux ontariens réussissent à se maintenir au pouvoir pour plus de trois mandats consécutifs.

Débâcle progressiste-conservatrice

Cette victoire sans équivoque a poussé Tim Hudak vers la sortie.

Le chef progressiste-conservateur a fait connaître, le 12 juin, son intention de quitter son poste une fois que son parti lui aura trouvé un successeur. Il s’est toutefois engagé à représenter, jusqu’à la fin de son mandat, sa circonscription de Niagara-Ouest–Glanbrook, où il a été facilement réélu.

Le leadership de M. Hudak était contesté, parfois ouvertement, depuis la défaite de son parti aux élections de 2011.

Après avoir joué du coude avec les libéraux pendant toute la campagne, les progressistes-conservateurs se sont inclinés en fin de course avec 27 circonscriptions. Ils ont perdu dix sièges dans la bataille, dont des bastions comme Barrie, qui est passée au libéraux, et Oshawa, qui a viré dans le camp néo-démocrate.

Le clan Hudak a aussi cédé aux libéraux les circonscriptions de Burlington, Cambridge, Halton, Northumberland–Quinte-Ouest, Newmarket-Aurora et Thornhill.

Statu quo néo-démocrate

Le Nouveau Parti démocratique (NPD), lui, a fait match nul.

La formation d’Andrea Horwath a réussi à faire élire 21 députés, soit exactement le même nombre qu’à la dissolution de l’Assemblée législative, le 2 mai.

Le troisième parti à Queen’s Park a conservé toutes les circonscriptions acquises lors d’élections partielles, depuis 2012. Il s’est installé dans Oshawa, Sudbury et Windsor-Ouest, mais a aussi subi de cuisants revers dans Beaches–East-York, Davenport et Trinity-Spadina, trois anciennes forteresses « oranges » à Toronto.

Le NPD a gardé sa mainmise sur le Nord ontarien, où ses députés francophones Gilles Bisson, France Gélinas et Michael Mantha ont tous été réélus sans problème.

Le Parti vert de Mike Schreiner, qui lorgnait du côté de Guelph, notamment, n’a fait aucun gain.

Les villes presque toutes « rouges »

À part Sudbury et Windsor-Ouest, qui sont passés dans le camp du NPD, les libéraux sont parvenus à conserver tous leurs acquis dans les villes, y compris des comtés chauds comme Brampton-Springdale, Kitchener-Centre et Ottawa-Ouest-Nepean.

Les électeurs d’Ottawa-Vanier ont reconduit Madeleine Meilleur, ministre sortante responsable des Affaires francophones, pour un quatrième mandat avec près de 56% des voix.

Glengarry-Prescott-Russell et Ottawa-Orléans, qu’on disait prêtes à basculer dans le camp progressiste-conservateur, sont également demeurées libérales.

Le clan Wynne s’est aussi réapproprié Etobicoke-Lakeshore, une circonscription prise par le clan Hudak lors d’une élection partielle, en 2013, et qui devait servir de tremplin à l’opposition officielle pour pénétrer davantage dans la Ville de Toronto.

Emplois, croissance et intégrité

« Vous avez voté pour des emplois. Vous avez voté pour la croissance. Vous avez voté pour bâtir l’Ontario », a déclaré Mme Wynne devant des partisans en liesse, le 12 juin. « Et laissez-moi vous dire quelque chose. Votre gouvernement libéral majoritaire est prêt pour ça. Nous allons bâtir un futur solide pour tous les Ontariens ».

La chef libérale a promis de mener un gouvernement intègre, elle qui a dû passer beaucoup de temps, durant la campagne, à tenter de faire oublier les scandales de son prédécesseur Dalton McGuinty.

« Vous nous avez fait confiance. Nous ne vous laisserons pas tomber », a scandé Mme Wynne lors de son rassemblement postélectoral, à Toronto. « Nous ne vous prendrons pas pour acquis ».

Aucun sondage ne laissait entrevoir, par ailleurs, que l’électorat pardonnerait si facilement aux libéraux l’annulation de deux projets de centrales électriques au gaz, une décision électoraliste qui aurait coûté plus de 1 milliard $ au trésor provincial.

Surtout que les deux partis d’opposition ont assis une bonne partie de leur campagne sur les thèmes de l’intégrité et de la transparence.

Veiller au grain

« Personne ne devrait interpréter à tort les résultats (de ces élections) comme une acceptation du statu quo », a mentionné Tim Hudak, la voix brisée par l’émotion, devant ses partisans à Grimsby, le 12 juin. « Kathleen Wynne a promis un comportement très différent de ce que nous avons vu (des libéraux) depuis 11 ans. Elle sera tenue responsable si elle ne livre pas la marchandise ».

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M. Hudak s’est dit fier de sa campagne, malgré des « résultats décevants ».

« Les familles de l’Ontario s’attendent, à juste titre, à un niveau de transparence et un code de conduite qui diffèrent grandement du bilan libéral des dernières années. Elles veulent (…) mettre un terme au gaspillage. Mais plus encore, elles veulent un gouvernement qui va se concentrer sur la création d’emplois », a martelé le chef démissionnaire.

Le Parti progressiste-conservateur s’était engagé, rappelons-le, à créer 1 million d’emplois dans le secteur privé sur huit ans, mais aussi à supprimer 100 000 emplois dans la fonction publique provinciale sur quatre ans.

La chef du NPD s’est aussi dite prête à veiller au grain.

« Dès demain matin, nous nous attèlerons à la tâche que les électeurs nous ont donnée. Ils nous ont confié une tâche particulière, celle d’amener du changement qui a du bon sens pour cette province », a lancé Andrea Horwath lors d’une brève allocution dans sa circonscription d’Hamilton-Centre, le 12 juin.

Élections hâtives

C’est le NPD qui a forcé le déclenchement d’élections hâtives, lorsque la formation a fait savoir qu’elle n’appuierait pas le plus récent budget libéral, le 2 mai.

Le parti de Mme Horwath a ensuite fait campagne sur un programme très semblable à celui du gouvernement sortant, ce qui lui a d’ailleurs valu quelques critiques virulentes au sein même de sa base militante.

Mme Wynne s’est engagée, rappelons-le, à déposer la même ébauche budgétaire dans les 20 jours suivant la réélection de son gouvernement.

Après deux mandats majoritaires, en 2003 et 2007, les libéraux de l’Ontario ont hérité d’une minorité de sièges, lors des élections du 6 octobre 2011. Taxé de plusieurs scandales, dont celui des centrales au gaz, l’ancien premier ministre Dalton McGuinty a cédé sa place à Kathleen Wynne, une ministre influente au sein de son gouvernement, le 11 février 2013.

À la dissolution de l’Assemblée législative, les libéraux détenaient 48 sièges, les progressistes-conservateurs, 37 sièges, et les néo-démocrates, 21 sièges. Il y avait un siège vacant.

 

PARTI LIBÉRAL

59 sièges
38,65% des suffrages

Gains : Barrie, Beaches–East-York, Burlington, Cambridge, Davenport, Durham, Etobicoke-Lakeshore, Halton, Newmarket-Aurora, Northumberland–Quinte-Ouest, Thornhill*, Trinity-Spadina
Pertes : Sudbury, Windsor-Ouest
Sauvetages : Brampton-Springdale, Glengarry-Prescott-Russell, Kitchener-Centre, Ottawa-Orléans, Ottawa-Ouest-Nepean

PARTI PROGRESSISTE-CONSERVATEUR

27 sièges
31,25% des suffrages

Pertes : Barrie, Burlington, Cambridge, Durham, Etobicoke-Lakeshore, Halton, Northumberland–Quinte-Ouest, Newmarket-Aurora, Oshawa, Thornhill*

NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

21 sièges
23,75% des suffrages

Gains : Oshawa, Sudbury, Windsor-Ouest
Pertes : Beaches–East-York, Davenport, Trinity-Spadina
Sauvetages : Kitchener-Waterloo, London-Ouest, Niagara Falls, Toronto-Danforth

 

*Note : la circonscription de Thornhill est demeurée dans le giron du Parti progressiste-conservateur, après recomptage. Le compte final est donc de 58 sièges pour les libéraux, 28 sièges pour les progressistes-conservateurs et 21 sièges pour les néo-démocrates.