Élections fédérales : l’Ontario hausse le ton

«Il s’agit d’une manœuvre partisane et cynique, exécutée à la veille d’une campagne électorale fédérale», a pourfendu le grand argentier Charles Sousa , flanqué de sa collègue Mitzie Hunter, au sujet du refus d'Ottawa de collaborer à la mise sur pied d'un régime ontarien de pensions.

TORONTO – Le gouvernement libéral de l’Ontario se positionne pour un affrontement avec le gouvernement conservateur à Ottawa à la veille d’un possible déclenchement d’élections fédérales.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Le grand argentier ontarien Charles Sousa a promis, le jeudi 30 juillet, de faire campagne pour un changement de garde aux Communes après que son homologue canadien Joe Oliver eut refusé d’aider la province à mettre sur pied son propre régime de pensions.

« Nous ne demandons aucun arrangement ou aucune considération spéciale de la part du gouvernement fédéral. Nous lui demandons d’être juste », a tonné M. Sousa lors d’un point de presse. « Trop d’Ontariens n’ont pas droit à une pension de leur employeur. Une pension dont le premier ministre de ce pays bénéficie, par ailleurs. Ce qu’il vous dit, c’est de vous débrouiller tout seul. Mais pas lui. »

Au cœur du litige : le refus des conservateurs de Stephen Harper de permettre à l’Agence de revenus du Canada (ARC) de partager certaines données qui faciliteraient la mise sur pied d’un régime ontarien d’épargne-retraite qu’ont promis les libéraux à Queen’s Park dans leurs deux plus récents budgets.

Pourtant, de rappeler M. Sousa, le fédéral a bien un accord de coopération avec la Régie des rentes du Québec (RRQ), tout comme il a modifié la loi pour permettre à la Saskatchewan de relever le plafond des cotisations à son régime provincial d’épargne-retraite.

 

Avec ou sans Ottawa

Le trésorier à Queen’s Park a promis que son projet de régime de pensions irait de l’avant, avec ou sans la participation d’Ottawa. Il ne s’est toutefois pas avancé sur d’éventuels coûts supplémentaires pour son gouvernement s’il lui faut créer une administration parallèle à l’ARC.

« Il s’agit d’une manœuvre partisane et cynique, exécutée à la veille d’une campagne électorale fédérale », a pourfendu M. Sousa devant la presse parlementaire, flanqué de sa collègue Mitzie Hunter, qui est responsable de la mise en œuvre du futur Régime de retraite de la province de l’Ontario (RRPO).

La rumeur veut que M. Harper donne le coup d’envoi à la prochaine campagne fédérale aussi tôt que les 2 ou 3 août pour un appel aux urnes le lundi 19 octobre. Le pays se retrouverait alors plongé dans la plus longue campagne électorale – 76 ou 77 jours – de son histoire moderne.

« Ce serait une honte que le dernier geste (de M. Harper) avant les élections – peut-être son dernier geste en tant que premier ministre – soit de faire obstruction à l’épargne-retraite des gens de notre province », a laissé tomber Mme Hunter à son tour.

Les deux élus provinciaux se sont défendus, par contre, de se livrer à de la petite politique comme celle qu’ils dénoncent chez leurs homologues fédéraux.

 

À couteaux tirés

Les gouvernements à Queen’s Park et à Ottawa sont à couteaux tirés depuis 2013 au sujet de l’épargne-retraite. La province affirme que l’actuel Régime de pensions du Canada (RPC) n’est pas suffisant pour permettre à un nombre grandissant de travailleurs de vivre une retraite confortable. Le fédéral réplique qu’un nouveau mécanisme d’épargne auquel les employeurs seraient obligés de contribuer ferait mal à l’économie.

« C’est une taxe qui va tuer des emplois et qui n’aidera pas l’économie de l’Ontario », a réagi le progressiste-conservateur John Yakabuski au nom de l’opposition officielle à Queen’s Park. « La ministre (Hunter) n’est même pas capable de donner les détails de son plan, comme qui y sera éligible, qui devra payer et qui en sera exempté. Ce sont des détails que le gouvernement fédéral devrait avoir (avant de s’engager) », a ajouté l’élu de la région de Renfrew, au nord-ouest d’Ottawa.

Le RRPO que proposent les libéraux de Kathleen Wynne doit bonifier la retraite de quelque 3 millions d’Ontariens gagnant moins de 90000$ par année et n’ayant pas déjà accès à un régime privé auprès de leur employeur. Le fonds, administré par un tiers, doit être prêt à recevoir ses premières contributions, le 1er janvier 2017.

« Tout ça n’est qu’un jeu politique », de l’avis de M. Yakabuski.