Éducation en français : l’arrêt qui a tout changé

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SAINT-JEAN – Alors que les francophones du Nord-Ouest se battent toujours pour obtenir des infrastructures équivalentes à leurs homologues anglophones, ainsi que la pleine gestion des admissions scolaires, l’arrêt Mahé fête cette année ses 25 ans.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Hasard du calendrier, la Fédération nationale des commissions scolaires francophones (FNCSF) a décidé de marquer son 25e anniversaire en organisant, vendredi 30 octobre, à Saint-Jean de Terre-Neuve, une conférence sur les 25 ans de l’arrêt Mahé.

Au lendemain de la décision de la Cour suprême du Canada de ne pas entendre les demandes de la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest (CSFTN-O) et de l’Association des parents ayants droit de Yellowknife (APADY), cet anniversaire rappelle que les batailles judiciaires pour l’éducation en langue française hors Québec ne datent pas d’hier.

« Tout a commencé en 1982 avec l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés qui, dans son article 23, assurait aux minorités de langue officielle le droit à l’instruction dans leur langue. Devant le refus des conseils scolaires de l’Alberta de nous donner nos propres écoles, nous avons décidé d’intenter un procès au gouvernement de l’Alberta, tout en ouvrant parallèlement notre propre école », se souvient Jean-Claude Mahé, en entrevue à #ONfr.

En mars 1990, après sept ans de combat judiciaire et l’ouverture de deux écoles à Calgary et Edmonton, la Cour suprême donne finalement raison aux Franco-Albertains. Pour la première fois, le plus haut tribunal du pays statue sur l’article 23. Aujourd’hui, l’arrêt Mahé est considéré comme constitutif de la création des conseils scolaires francophones en contexte minoritaire au Canada.

« Nous n’étions que des parents d’élèves, pas des gens habitués à siéger dans les organismes francophones. Nous avons beaucoup travaillé, nous sommes entourés d’experts… », rappelle M. Mahé.

Codemandeur dans cette cause, Jean-Paul Dubé abonde : « J’étais professeur de littérature, Jean-Claude Mahé travaillait pour l’Office national du film; au sein de notre comité, nous n’étions pas des spécialistes du droit. Mais il y avait une véritable effervescence pour la francophonie et le bilinguisme au Canada et un grand besoin en Alberta ».

Fiers de cette victoire, les deux hommes insistent sur son incidence dans tout le Canada.

« Les communautés francophones hors Québec se sont beaucoup construites autour de cet arrêt-là, il dépasse le cadre de l’éducation », croit M. Dubé.

« C’est la cause de ma vie et quand je vois que nous sommes passés d’une école de langue française de 40 élèves, en 1982, à un système scolaire francophone qui compte aujourd’hui 37 écoles et plus de 10000 élèves en Alberta, je suis très fier du travail que nous avons accompli », dit M. Mahé.

Selon MM. Mahé et Dubé, la décision de la Cour suprême du Canada, jeudi 29 octobre, ne doit pas décourager les francophones du Nord-Ouest.

« Ça peut être décourageant, mais quand je vous où nous en sommes au Canada aujourd’hui, je me dis qu’il faut continuer. C’est un pas en arrière mais nous allons rebondir. »

 

La FNCSF fête aussi ses 25 ans

Depuis l’arrêt Mahé, les conseils scolaires ont fait bien du chemin hors Québec. Ce parcours s’illustre facilement avec l’histoire de la FNCSF qui fête elle aussi ses 25 ans en 2015.

« Le parcours de la FNCSF a été jalonné de défis, mais aujourd’hui, nous pouvons être fiers d’avoir des écoles de langue française dans toutes les provinces et dans tous les territoires », rappelle le président, Robert Maddix.

Regroupant les 28 conseils scolaires francophones et acadiens en contexte minoritaire au Canada, la FNCSF œuvre à l’avancement de l’éducation de langue française hors Québec.

« Tout n’est pas réglé », reconnaît toutefois M. Maddix, « il y a encore des situations difficiles en Colombie-Britannique, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Saskatchewan… Les gouvernements ne font pas toujours leur part pour assurer à nos communautés de bonnes infrastructures, une pleine gestion des admissions scolaires ou pour nous donner de quoi assurer une bonne qualité d’éducation. Les conseils scolaires doivent encore trop souvent se battre pour faire valoir leurs droits. »

La FNCSF voudrait notamment que soit revue la notion d’ayants droit pour permettre aux conseils scolaires d’accueillir davantage d’enfants dont les parents souhaitent une éducation en français.

« Il y a des endroits où c’est plus facile, comme en Ontario, mais dans d’autres provinces et territoires, comme Terre-Neuve et Labrador, la Saskatchewan ou les Territoires du Nord-Ouest, c’est encore très difficile. Nous devons continuer à négocier, faire comprendre nos besoins. L’avantage d’avoir une fédération, c’est que l’union fait la force! »