Durham : les francophones à la case départ

Madeleine Meilleur, ministre déléguée aux Affaires francophones. Crédit image: #ONfr

EXCLUSIF

OSHAWA – La communauté francophone de Durham fait marche arrière. Elle renonce à une désignation de la région en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario pour concentrer ses efforts sur la Ville d’Oshawa, selon ce qu’a appris #ONfr.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Les francophones de cette région-dortoir à l’est de Toronto reviendraient dorénavant à leur projet initial de 2009, qui se limitait à faire entrer Oshawa dans le cercle des municipalités où les services en français sont garantis par la loi provinciale.

La démarche avait évolué au cours des six dernières années jusqu’à vouloir assurer la pérennité des services en français sur l’ensemble du territoire de la municipalité régionale de Durham, qui est composée d’un total de huit entités municipales.

« Nous avons revu le dossier concernant le statut de Durham. Nous souhaitons maintenant mettre nos efforts uniquement sur Oshawa, et avons transmis cette demande à l’Office des Affaires francophones (OAF) », confirme à #ONfr Sylvie Landry, présidente de l’Assemblée des communautés francophones de l’Ontario (ACFO) de Durham-Peterborough.

Pour obtenir sa désignation, une région doit en principe compter au moins 10% de francophones ou dans les centres urbains, un totale de 5000 francophones. Un seuil qui ne correspondait pas à la réalité géographique de la région de Durham, composée de plus de 600 000 résidents, dont environ 12 000 francophones, mais qui pouvait à priori permettre une « désignation discrétionnaire » sur le modèle de celle de Kingston en 2009.

Procédures laborieuses

Principale raison pour ce retour à la case départ?

La lassitude des procédures laborieuses pour faire de Durham la 26e région désignée en vertu de la Loi 8 de 1986. En octobre 2013, le conseil de la municipalité régionale avait décidé de ne pas prendre une décision dans le dossier, demandant à Queen’s Park de dévoiler les coûts anticipés pour cette désignation. La ministre déléguée aux Affaires francophones, Madeleine Meilleur, s’était alors contentée de renvoyer la balle aux élus municipaux dans la gestion du dossier.

« Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », glisse le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Denis Vaillancourt. Fort de ses 4000 francophones pour une population d’environ 140 000 résidents, la municipalité d’Oshawa représente « une chance beaucoup plus forte » de désignation pour le responsable de l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens.

Cette attente reste en tout cas une injustice aux yeux de Mme Landry : « La municipalité de Peel, à l’ouest de Toronto, est composée de plus d’un million de résidents. Mississauga et Brampton, deux de ses trois municipalités, y sont désignées. Dans le cadre de la région de Durham, les municipalités attendent toujours. »

L’ACFO-DP est d’avis qu’une désignation d’Oshawa pourrait « susciter l’intérêt » dans les sept autres municipalités de la région de Durham. « Nous avions besoin de l’appui de 29 conseillers régionaux pour appuyer la désignation de Durham. C’était beaucoup trop et ça a ralenti le processus. Le fait de cibler uniquement Oshawa va faciliter les choses », croit à cet égard, Mme Landry.

Une loi à revoir?

Un appui des conseillers préalable à la désignation, c’est justement ce qui fait sourciller M. Vaillancout qui souhaite un nouveau mode de désignation. « Le gouvernement doit être plus proactif et encourager une démarche plus fluide. Il y a véritablement une faiblesse du règlement lequel repose beaucoup sur des appuis. »

Interrogée à ce sujet par #ONfr, la ministre Meilleur reste inflexible : « Est-ce que la loi doit être revue? Ce n’est pas mon opinion pour l’instant. Il y a des mesures (d’exception) que nous avons mises en place, comme vous l’avez vu à Kingston et comme vous le verrez probablement à Durham. Je ne pense pas qu’il y a lieu, pour l’instant, de revoir la loi. »

Mme Meilleur avoue que la situation à Durham était « complexe ». Elle rappelle que « le président de la municipalité régionale n’était pas d’accord ». Un projet format réduit aura plus de chances de rallier les appuis nécessaires, à son avis.

Un changement de député à Oshawa pourrait aussi aider la cause des francophones de l’endroit, selon la ministre. La nouvelle élue néo-démocrate Jennifer French serait beaucoup plus ouverte à une désignation en vertu de la Loi 8 de 1986 que ne l’était son prédécesseur, le progressiste-conservateur Jerry Ouellette.

Un projet trop ambitieux?

Madeleine Meilleur avait encouragé la communauté francophone de Durham à voir grand au moment de la demande initiale concentrée uniquement sur Oshawa en 2009.

Si du côté de l’ACFO-DP, on multiplie à #ONfr les « remerciements » pour la ministre, le ton est quelque peu plus sec du côté de la critique aux Affaires francophones néo-démocrate, France Gélinas. « Je ne sais pas pourquoi (Mme Meilleur) a fait ça. L’histoire nous dira que l’avis qu’elle leur a donné ne les a pas bien servis. Ça leur a fait perdre cinq ans. Ils n’en sont pas venus à bout comme ça. »

La députée de Nickel-Belt enfonce même le clou sur la loi actuelle : « C’est discriminatoire et réducteur. Ça fait passer pour les régions des étapes qui sont complètement inutiles et qui n’ont rien à faire avec la loi. C’est une loi provinciale qui ne s’applique pas aux municipalités. Pourquoi les faire passer à travers toutes sortes d’étapes très difficiles qui demandent beaucoup de temps, d’efforts, d’énergies et de ressources et qui ne servent à absolument rien sauf donner l’occasion de mettre des barrières. »