Dépenses au Sénat : les règles étaient claires

L'ancien juge à la Cour suprême du Canada, Ian Binnie. Benjamin Vachet

OTTAWA – Chargé d’agir comme arbitre spécial auprès des sénateurs qui contestaient les conclusions du vérificateur général du Canada dans son rapport de 2015 sur les dépenses du Sénat, l’ancien juge de la Cour suprême du Canada, Ian Binnie, réfute l’idée que les règles d’utilisation des ressources du Sénat n’étaient pas assez claires.  

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

L’argument utilisé par certains sénateurs pour expliquer leurs demandes de remboursement inappropriées ne tient pas, selon M. Binnie. Dans un rapport rendu public lundi 21 mars, l’ancien juge à la Cour suprême du Canada indique que les sénateurs auraient dû se poser plusieurs questions, d’après les règles, lignes directrices et politiques du Sénat, avant de dépenser des fonds publics.

« Les sénateurs pouvaient très bien faire leur travail sans enfreindre les règles », a-t-il indiqué.

En juin 2015, le vérificateur général Michael Ferguson avait pointé du doigt 30 sénateurs pour des demandes de remboursement jugées inappropriées. Ce dernier reprochait aux sénateurs concernés de ne pas s’être souciés du fait que leurs factures étaient payées par les contribuables.

Sur l’ensemble des sénateurs visés, 14 d’entre eux avaient décidé de contester les conclusions du vérificateur général. Chargé de trancher le litige, M. Binnie donne raison à M. Ferguson pour 178000$ sur 320000$.

Les 14 sénateurs devront donc rembourser au Sénat 178000$ qui n’auraient pas dû faire l’objet de demandes de remboursement. Les sénateurs Colin Kenny, Lowell Murray, Dennis Glen Patterson, Robert W. Peterson et Terry Stratton ont vu la quasi-totalité de leurs montants contestés être confirmés par M. Binnie.

Précisant que son mandat n’était pas d’expliquer les motifs des manquements constatés, l’ancien juge pense que le rapport du vérificateur général en 2015 et son rapport d’arbitrage aujourd’hui ont aidé à faire la lumière sur la situation et devraient empêcher de nouvelles affaires similaires.

Une enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) est toujours en cours dans le dossier des dépenses inappropriées au Sénat qui concerne six sénateurs.

Dans un communiqué, le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration indique que le Sénat a effectué de nombreux changements pour moderniser l’institution en resserrant ses règles en matière de dépenses, notamment en ce qui a trait aux frais de déplacement, d’accueil et d’approvisionnement, et en demandant de fournir une preuve de résidence.

« Le rapport de l’ex-juge Binnie témoigne de notre profond engagement envers la transparence et la reddition de comptes », indique le président du comité, le sénateur Leo Housakos.

Le sénateur conservateur Jean-Guy Dagenais, qui devra finalement rembourser 2267$ au lieu des 3538$ initialement indiqués par M. Ferguson, a annoncé qu’il allait déposer, dans les prochains jours, une plainte formelle à l’Ordre des comptables professionnels certifiés de l’Ontario (Chartered Professionnal Accountants of Ontario-CPA) contre le vérificateur général qu’il accuse d’avoir été négligent et d’avoir manqué à son devoir professionnel.

« Ça mérite une enquête sur sa façon de faire. Il n’a jamais vérifié les informations que nous lui avions fournies et il a sali ma réputation en doutant publiquement de l’existence de ces activités parlementaires. Il avait un devoir à accomplir et il ne l’a pas fait malgré les 24 millions $ que cette vérification a coûté aux contribuables canadiens. C’est un peu honteux pour la profession de comptable. »

Le sénateur Terry Mercer a indiqué qu’il respecterait les conclusions du rapport de M. Binnie. Son collègue, Colin Kenny, s’est quant à lui refusé à tout commentaire.