Décision mitigée pour les francophones de Colombie-Britannique

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VANCOUVER – Les francophones de Colombie-Britannique avaient les yeux rivés sur la Cour suprême de leur province, lundi 26 septembre. Et finalement, les juges n’ont accédé que partiellement à leur requête face au gouvernement provincial en matière d’éducation en français. Une décision mitigée que l’avocat Maître Mark Power juge toutefois assez positive.

Le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF) et la Fédération des parents francophones de la Colombie-Britannique (FPFCB) espéraient beaucoup de la décision de la juge Loryl Russell. Celle-ci devait se prononcer sur les problèmes récurrents rencontrés par les écoles de langue française.

En poursuivant leur province en juin 2010, le CSF et la FPFCB considéraient que celle-ci ne respectait pas la Charte canadienne des droits et libertés en n’offrant pas un service équivalent aux élèves des écoles de langue française.

Les deux co-demandeurs souhaitaient donc, par la voie judiciaire, forcer le gouvernement de Christy Clark à répondre adéquatement aux besoins en matière d’éducation de langue française, notamment en finançant la construction de 22 nouvelles écoles et d’un bureau central, pour un total approximatif de 415 millions $, selon les calculs du CSF.

« Plusieurs écoles de langue française ont des édifices trop petits et vétustes et doivent utiliser des portatives. Dans certaines communautés en croissance, comme à Burnaby, il n’y a tout simplement pas d’école! L’autre problème qui a été soulevé, c’est celui des transports scolaires. Actuellement, les élèves francophones doivent souvent faire au moins une heure de bus pour aller à l’école, alors que ce n’est pas le cas des élèves dans les écoles de langue anglaise. Enfin, il y a le problème du système de financement en éducation. La province étudie les demandes de construction scolaire en comparant les écoles de langue anglaise avec les écoles de langue française pour décider ce qui sera financé. Ce système ne fonctionne pas car il pénalise toujours les écoles de langue française qui, de plus, n’ont pas de députés pour les appuyer », explique l’avocat du CSF, Maître Mark Power.

Après de longues procédures, les audiences ayant durée de décembre 2013 à février 2016, la juge Loryl Russell a finalement reconnu, dans une décision de 1600 pages, certains de ces arguments. La province devra notamment verser des dommages et intérêts à hauteur de 6 millions $ pour compenser le sous-financement des transports scolaires.

Elle devra également revoir son système de financement des écoles, ce qui réjouit Me Power.

« Il y a plusieurs bons points à ce jugement. Pour la première fois au Canada, une cour a déclaré qu’un ministère de l’Éducation doit traiter différemment les besoins des francophones en matière d’écoles. La juge demande également la création d’un budget spécial pour les écoles francophones, de sorte que la province ne pourra plus mettre en opposition les besoins des écoles anglophones et francophones pour choisir lesquelles elle financera. Également, la Cour suprême de Colombie-Britannique a reconnu que certaines écoles et communautés nécessitaient une solution immédiate et que le gel du financement des écoles décidé pendant six ans par le gouvernement provincial était contraire à la constitution. Enfin, en matière de transport scolaire, on parle quand même de la plus grosse somme accordée comme dommages et intérêts en matière de droits garantis par la constitution. »

Me Power reconnaît toutefois qu’aucune somme n’est précisée quant au budget spécial pour les écoles francophones.

Impact au Canada

L’avocat spécialisé en droits linguistiques reconnaît toutefois que certains points restent décevants, notamment car tous les besoins en matière de construction d’écoles n’ont pas été reconnus. Seuls Burnaby et Abbotsford auront bientôt une école francophone et les communautés de Penticton et Sechelt auront chacune une nouvelle école en remplaçant des installations vétustes actuelles.

« Il y a encore des besoins qui ne seront pas comblés, c’est sûr, mais en reconnaissant que le système de financement des écoles est défaillant, cela donne des arguments aux francophones de Colombie-Britannique. Ils savent désormais que le financement qu’ils recevront pour les écoles ne dépend pas uniquement de leur capacité à convaincre les fonctionnaires et les députés. »

Me Power prédit que cette décision pourrait avoir un impact direct sur les autres communautés francophones à travers le Canada.

« Ce jugement pourra être utilisé partout sur la question du traitement différentiel des demandes de financement des conseils scolaire francophones. »

Le gouvernement provincial, tout comme la FPFCB et le CSF ont désormais trente jours pour faire appel de la décision.

Il s’agissait du troisième recours juridique contre le gouvernement provincial depuis la création de la FPFCB en 1979. En avril 2015, la communauté francophone avait obtenu gain de cause dans le dossier de l’école Rose-des-vents de Vancouver.