Débats francophones en vue à Queen’s Park

L'Assemblée législative de l'Ontario. Archives

TORONTO –  Les députés affûtent leurs armes dans l’attente de la rentrée parlementaire à Queen’s Park, le mardi 17 février. Les débats sur la francophonie auront bel et bien leur place.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

Entre les dossiers du collège d’Alfred et du projet d’université franco-ontarienne, en passant par les préparatifs du 400e de présence francophone, ou encore les sujets plus épineux comme le statut de Durham et l’hôpital de Penetanguishene, les discussions s’annoncent d’ores et déjà animées.

En entrevue pour #ONfr, la ministre déléguée aux Affaires francophones Madeleine Meilleur, la critique en matière d’Affaires francophones du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario, Gila Martow, et son homologue du NPD France Gélinas ont clarifié la vision de leur parti concernant la défense de la langue de Molière. Avec des différences plus ou moins marquées.

Premier désaccord entre les trois leaders : le projet d’une université franco-ontarienne. Un sujet sur lequel Mme Meilleur ménage toujours la chèvre et le chou. Quelques jours après la demande par le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) d’un établissement  « par et pour » les francophones au plus tard 2018, la ministre déléguée se déclare toujours « favorable » à l’idée, mais dans un futur beaucoup plus éloigné. Motif? Le déficit budgétaire accumulé par la province ne peut permettre immédiatement d’après elle la création d’un établissement.

Un argument qui fait grincer des dents ses deux rivales. À commencer par Mme Martow : « Si les libéraux cessaient de gaspiller de l’argent un peu partout, le projet serait possible ». Si la députée de Thornhill se montre floue sur la position de son parti, ce n’est pas le cas de Mme Gélinas : « La position des libéraux n’est absolument pas acceptable. Il faut cette université franco-ontarienne. Ça doit être le prochain pas. »

Alfred toujours dans l’attente

Toujours sur une note offensive, la députée de Nickel Belt, dans le nord de l’Ontario, revient sur le collège d’Alfred, avec notamment la publication du rapport Godbout en décembre : « Le rapport ne reflétait en rien la spécificité francophone de l’établissement. C’était pitoyable. »

La décision laconique de la province sous forme de communiqué de presse le 30 janvier de transmettre l’unique institution d’enseignement agricole et francophone en Ontario « aux collectivités locales » pour assurer « la propriété » sera suivie prochainement par « une autre annonce », selon Mme Meilleur. « Le problème doit être réglé au plus vite », ajoute la ministre déléguée, citant le collège en tête des enjeux francophones de la rentrée parlementaire.

Toujours dans l’attente d’une solution, onze mois après que l’Université de Guelph ait décidé de s’en départir, le collège d’Alfred fait aussi parti des « préoccupations » des progressistes-conservateurs, si l’on en croît Mme Martow. « Nous avons été désolés d’entendre parler de sa fermeture. » Là encore, les solutions restent financières pour les bleus : « Si les libéraux ne gaspillaient pas autant l’argent, il n’aurait peut-être pas été menacé », répète la critique.

Nouveau Montfort?

Si Mme Martow a avoué lors de cette même entrevue sa méconnaissance de l’hôpital Montfort, le nom de l’établissement de santé d’Ottawa pourrait revenir par ricochet sur les bancs de l’Assemblée. Et pour cause, l’hôpital de Penetanguishene pourrait fermer ses portes définitivement en 2016, en raison d’une restructuration. Une menace considérée comme un « nouveau Montfort » par certains.

L’établissement est pourtant partiellement désigné en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario.

Une inquiétude que Mme Meilleur balaye d’un revers de bras : « Je peux vous assurer que le ministère de la Santé a pris le dossier en main ». Avouant suivre de près cette situation, Mme Gélinas égratigne pour sa part le Part libéral sur les menaces d’après elle concernant les services en français notamment dans des hôpitaux à Timmins et North Bay.

Plus au sud, le statut de région de Durham, dans l’est de Toronto, pourrait donner quelques tracas à Mme Meilleur. L’endroit souhaite toujours être désigné en vertu de la Loi sur les services en français de 1986. La ministre déléguée aux Affaires francophones continue de renvoyer la balle aux groupes francophones du territoire lesquels ne sont pas parvenus à obtenir le soutien de la Municipalité régionale de Durham pour porter le projet.

À quelques chiffres près, la région ne rentre pas dans les critères de la Loi 8 de 1986 exigeant pour obtenir une désignation qu’une région compte au moins 10% de francophones ou 5000 francophones ou plus dans un centre urbain. « Nous continuons à les aider », assène Mme Gélinas. « Le gouvernement provincial ne travaille pas activement sur le dossier. »

Le gouvernement de l’Ontario avait malgré tout étendu l’accès aux services en français à la ville de Kingston en 2009 – 25e et dernière région désignée –, bien que celle-ci ne réponde pas entièrement aux critères.

Une loi pour l’immigration francophone

Derrière les zones d’ombre, quelques certitudes affleurent. C’est le cas de l’immigration francophone où une cible de 5% d’arrivants francophones pourrait être votée rapidement.

Présenté le 26 novembre dernier, le projet de loi 49 veut avant tout fixer « nouvelle orientation sur la manière de sélectionner, d’accueillir et d’aider les immigrants et immigrantes dans la province ». La mention bien que discrète pour une « immigration francophone de 5% » est bien incluse dans le rapport annexe.

« Le projet est alléchant, mais il faudra observer si cette cible de 5% permet véritablement une approche holistique et globale », laisse entendre Mme Gélinas. Embarrassée, son homologue du Parti PC reconnait que sa formation « attend le choix d’un nouveau leader » pour décider d’une politique d’immigration francophone.

C’est justement l’un des premiers arrivants en Ontario qui sera célébré tout a long de l’année 2015. Samuel de Champlain sera honoré par une kyrielle d’activités de Toronto jusqu’à Ottawa. Là encore, le symbole est propice à de petites frictions entre les partis. « J’ai entendu dire que le gouvernement envisage de donner un spectacle bilingue pour célébrer Champlain, et ce pendant les Jeux panaméricains. Ce n’est pas sérieux », déplore Mme Gélinas.

Le gouvernement provincial a pour le moment dévoilé une enveloppe de 5,9 millions $ pour assurer la tenue des festivités, dont le quart (1,4 million $) est consacré aux activités d’organismes communautaires et autres municipalités.

« Parti », « cœur » et « gaspillage »

« En quoi votre parti se distingue des deux autres sur la francophonie à Queen’s Park? » La question finale de #ONfr aux trois leaders ne les a pas fait ciller. « Il y a toujours eu une culture francophile au Parti libéral, résume Mme Meilleur. Nous avons eu Dalton McGuinty puis Kathleen Wynne, une fière francophile aussi. »

Une note bien entendue différente pour le NPD. « Madeleine Meilleur a le cœur à la bonne place sur la francophonie, mais elle n’est pas dans le bon parti pour la promouvoir », décoche Mme Gélinas. « On (le NPD) a toujours voulu faire de la francophonie une valeur ajoutée, ce qui n’existe pas au Parti libéral. »

Gila Martow ne change pour sa part pas son discours d’un iota. « Pour offrir des services francophones, il faut faire des économies, éviter les gaspillages et combattre la dette. » Interrogée alors sur l’impact de la crise de Montfort sur sa formation, la critique du Parti PC avait finalement flanché.