Comptes Twitter unilingues : le gouvernement Trudeau critiqué

L’étude menée par Impératif français sur les communications sur Twitter des ministres libéraux a fait réagir, mardi 18 avril. Pixabay

OTTAWA – L’étude menée par Impératif français sur les communications sur Twitter des ministres libéraux a fait réagir, mardi 18 avril. Alors que le gouvernement promet qu’il va faire mieux, certains, dont le porte-parole aux langues officielles du Nouveau Parti démocratique (NPD), François Choquette, jugent la situation inacceptable et demandent aux libéraux d’être conséquents.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

En marge de la conférence de presse sur le déblocage de 3,4 millions$ pour les communautés francophones en situation minoritaire, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jean-Yves Duclos, a semblé mal à l’aise lorsque questionné sur les habitudes de communication de ses collègues ministres sur les médias sociaux.

« Il est toujours possible de faire mieux et nous allons faire mieux. Je sens qu’il y a de l’enthousiasme au sein du caucus pour faire ce travail. Personnellement, j’ai voulu devenir député pour m’assurer de faire en sorte que le français ait la place qu’il mérite au Canada. Nous avons tous une responsabilité! »

Dans une étude publiée le vendredi 16 avril, Impératif français soulignait que 23 ministres sur 31 ne respectent pas la Loi sur les langues officielles, 22 ministres publiant majoritairement leurs gazouillis en anglais, une ministre privilégiant plutôt le français.

« Il ne s’agit pas d’un manque de sensibilité, mais plutôt d’un signe de refus de reconnaître le Canada comme un pays francophone. Cela témoigne d’une arrogance et d’une discrimination à l’égard des Canadiens français », pense le président d’Impératif français, Jean-Paul Perreault.

La situation est d’autant plus ironique, selon M. Perreault, que le député libéral Stéphane Dion avait lui-même fustigé, en février 2015, les ministres conservateurs pour une attitude similaire.

« L’exigence de bilinguisme doit s’étendre pleinement aux communications électroniques des ministres. Il serait inacceptable que les ministres se servent des nouveaux moyens de communication pour contourner la Loi sur les langues officielles », écrivait-il alors.

Un avis qu’avait confirmé le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, auquel M. Perreault demande d’intervenir.

Le bureau de M. Fraser rappelle toutefois qu’une enquête a déjà eu lieu en 2014-2015, mais indique à #ONfr que le commissariat « contacte désormais les institutions fédérales visées pour voir comment elles ont appliqué les recommandations, dans le contexte des directives données aux ministres sous le nouveau gouvernement ».

Une situation inacceptable

Pour le porte-parole aux langues officielles du NPD, cette situation témoigne de la place qu’occupe le bilinguisme pour le gouvernement de Justin Trudeau.

« C’est un autre exemple, malheureusement, du non-respect de ce gouvernement pour les langues officielles. C’est essentiel, quand un ministre parle au nom de son ministère et transmet de l’information qui peut intéresser tous les Canadiens, qu’il s’adresse à eux en français et en anglais, car les deux langues sont égales. Il y a eu de belles paroles, mais cela ne se concrétise pas dans les actions du gouvernement. C’est totalement inacceptable! »

Plus prudente, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada demande au gouvernement de vite arranger la situation et en profite pour rappeler une de ses propositions.

« Cela ne serait jamais arrivé s’il y avait, comme nous l’avons souvent demandé, une autorité au sein du gouvernement chargée de faire comprendre et de faire respecter la Loi sur les langues officielles, aussi bien auprès des élus que de la fonction publique fédérale. Plusieurs ministres sont nouveaux à la Chambre des communes, il faut qu’ils comprennent qu’ils ont des obligations. M. Dion avait développé d’excellents arguments dans sa lettre à Tony Clement à l’époque, il faut qu’il les partage avec ses collègues. La situation n’est pas acceptable mais elle est facilement corrigeable », juge la présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier.

Le bilinguisme, une priorité?

Après avoir vanté le bilinguisme de son gouvernement pendant une heure devant les sénateurs membres du comité permanent sur les langues officielles, la ministre Mélanie Joly a demandé de la patience et promis de suivre ce dossier avec attention.

« C’est nécessaire de communiquer dans les deux langues officielles pour tous les comptes officiels des ministres. Nous allons donc développer une politique en lien avec ça. On peut faire mieux, on va faire mieux! Et je pense que ce sera le cas dans l’avenir, car le bilinguisme est une priorité. Nous sommes en train de terminer la phase de transition et nos équipes sont en train de travailler pour nous assurer d’avoir des gazouillis autant en français qu’en anglais pour tous les comptes officiels des ministres. »

Mais pour M. Choquette, le gouvernement libéral doit être plus conséquent.

« Il ne faut pas être patient! Les ministres ont tous des équipes derrière eux pour leur donner un coup de main. M. Dion devrait aller semoncer ses ministres et leur rappeler qu’il y a deux langues officielles au Canada! »

Le professeur à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, François Rocher, remet en cause l’argument de la transition avancé par Mme Joly.

« Le Parti libéral a lui-même fixé les normes acceptables en matière de communication sur les médias sociaux vis-à-vis des langues officielles, dans la lettre de M. Dion. Il est donc étonnant de voir que ses ministres ne se conforment pas déjà aux exigences que le parti avait lui-même fixé il y a plus d’un an. »

Pour le politologue, cela démontre le chemin qu’il reste à faire.

« Cela montre que la langue dominante et naturelle reste l’anglais et que cela demande un effort supplémentaire pour rétablir l’équilibre. Certains ministres retweetent les gazouillis de leurs ministères en ne mettant pas la version française alors qu’elle existe! Ils semblent ne pas considérer que ce soit important. Mais si la ministre de la Justice publie quelque chose sur Twitter, les francophones intéressés ont le droit d’être informés dans leur langue. »