Circonscriptions protégées : les Acadiens crient victoire

Crédit image : Facebook FANÉ

DARMOUTH – La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse juge inconstitutionnelle l’abolition des circonscriptions acadiennes protégées décidée en 2012 par l’ancien gouvernement néo-démocrate, dans une décision rendue publique le mardi 24 janvier.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Nous sommes très heureux de la décision rendue par la Cour d’appel et nous remercions sincèrement notre équipe juridique de leur excellent travail. À nous maintenant, en concertation avec le gouvernement provincial, de réfléchir à la meilleure manière de rétablir une représentation acadienne effective à l’Assemblée législative » a déclaré le président de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANÉ) Ghislain Boudreau, dans un communiqué de presse.

Depuis 2012, l’organisme porte-parole des francophones et des Acadiens de la Nouvelle-Écosse tentait de faire invalider le projet de loi de l’ancien gouvernement néo-démocrate de Darrell Dexter.

À l’époque, le gouvernement provincial avait mandaté une commission pour revoir les délimitations des circonscriptions électorales afin de les harmoniser et décidé d’abolir les circonscriptions acadiennes protégées de Clare, Argyle et Richmond. La FANÉ avait alors décidé de poursuivre le gouvernement provincial, jugeant que ces changements réduisaient la possibilité pour les Acadiens d’élire leurs représentants à l’Assemblée législative.

L’arrivée au pouvoir du gouvernement libéral de Stephen McNeil en 2013 avait permis de rétablir le contact, mais la procédure s’est poursuivie afin de trancher cette question juridiquement et non politiquement, comme l’avait expliqué le ministre des Affaires acadiennes, Michel Samson, à #ONfr.

En septembre dernier, la cause avait été défendue devant un panel de cinq juges à la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse. Pour la province, l’abolition des circonscriptions protégées permettait d’uniformiser la taille de toutes les circonscriptions provinciales, défendant ainsi un principe de parité des votes. Mais pour la FANÉ, en abolissant les circonscriptions acadiennes protégées, la province limitait le droit des Acadiens de désigner un député pour représenter leurs intérêts à l’Assemblée législative. Les avocats de l’organisme, Michel Doucet, maître Réal Boudreau et Réjean Aucoin avaient défendu le principe de représentation effective et de protection des minorités en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.


« Comme pour Montfort en Ontario, il y a eu une très forte mobilisation autour de cette cause. Pour la communauté francophone et acadienne de la Nouvelle-Écosse, c’est un baume d’avoir été entendue aujourd’hui et que justice ait été faite! »Michel Doucet, avocat


Et maintenant?

Malgré cette décision jugée positive par les francophones, la FANÉ ne souhaite pas nécessairement un retour pur et simple de l’ancien découpage électoral, comme l’explique sa directrice générale, Marie-Claude Rioux.

« Cela fait partie des solutions possibles, mais ce n’est pas la seule. Nous allons demander une rencontre avec le gouvernement pour voir comment rétablir une représentation effective des Acadiens à l’Assemblée législative. Ça pourrait être l’occasion de réparer le tort causé à la communauté acadienne de Chéticamp qui n’a pas de circonscription protégée alors qu’elle compte autant d’Acadiens que dans certaines circonscriptions protégées? Ce qui est sûr, c’est que nous ne demanderons pas moins que ce que nous avions! »

Une chose est sûre, pour la FANÉ comme pour M. Doucet, cette décision aura un impact positif sur la communauté.

« C’est une question autour de laquelle nous avons réussi à mobiliser la communauté et je pense que même si cette cause nous a fait du tort, elle va nous permettre de prendre de l’élan. Aujourd’hui, les Acadiens sont plus sensibilisés à l’importance de voter et d’avoir des représentants à l’Assemblée législative. »

Au moment d’aller sous presse, le ministre des Affaires acadiennes, Michel Samson, n’avait pas encore répondu à nos demandes d’entrevue. Le gouvernement a toutefois confirmé, en après-midi, qu’il n’irait pas en appel.


L’histoire des circonscriptions acadiennes protégées

Les circonscriptions acadiennes protégées ont été créées à la suite des recommandations de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse, un organisme indépendant qui, tous les dix ans, se penche sur l’évaluation des circonscriptions électorales provinciales. Le gouvernement conservateur de Donald Cameron, conscient que la communauté acadienne dispersée pouvait difficilement élire l’un de ses membres pour la représenter et par souci d’encourager et de favoriser la représentation politique effective des minorités acadienne et afro néo-écossaise à l’Assemblée législative, suit les recommandations de la commission et crée, en 1992, les trois circonscriptions acadiennes protégées de Clare, d’Argyle et de Richmond, et la circonscription afro néo-écossaise de Preston. Dans son rapport d’étape du 31 mai 2012, la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse avait recommandé de maintenir ces circonscriptions protégées. Une recommandation qu’avait choisi de ne pas suivre le gouvernement néo-démocrate de Darrel Dexter, privilégiant une parité relative du nombre d’électeurs dans chaque circonscription.