Cinquante ans de défis pour l’université bilingue

L'Université d'Ottawa.

OTTAWA – Alors que l’Université d’Ottawa (Ud’O) peine à conserver une identité francophone, l’établissement fête le 50e anniversaire de sa loi fondatrice, le mercredi 1er juillet.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

La Loi 158 de 1965 votée à Queen’s Park faisait de l’Ud’O un établissement laïc subventionné par les fonds publics. En outre, l’institution éducative alors majoritairement francophone se donnait pour mission de « favoriser le développement du bilinguisme et du biculturalisme », mais aussi de « préserver et développer la culture française en Ontario ».

Cinquante ans jour pour jour après le vote, les résultats sont très mitigés pour l’historien Serge Dupuis, interrogé par #ONfr. « Il y a eu une réussite partielle dans le sens où les programmes francophones ont augmenté. On forme de plus en plus de Franco-Ontariens. D’un autre côté, l’université est de moins en moins un environnement épanouissant pour les francophones. »

Car derrière la hausse du nombre de programmes et d’étudiants sur le campus, un fait indéniable : la proportion de francophones dégringole. Majoritaires jusque dans les années 1970, ils n’étaient plus que 46% inscrits à un programme en français en 1980, 41% en 1984. Le cap des 30% est atteint en 2005, avec même un pic record de 27% en 2010. Depuis, on parle d’une stabilisation.

Mais l’université s’est en tout cas subtilement adaptée aux chiffres, note M. Dupuis. « L’Université d’Ottawa ne se présente plus comme une université bilingue, mais comme l’Université canadienne. On a complètement rayé la dualité culturelle. La nuance n’est pas évidente, mais elle est là. C’est une négligence de la part de l’université. »

 

Bilinguisme malmené

Il serait tout de même faux de considérer les difficultés du bilinguisme uniquement par le prisme de l’Université d’Ottawa. C’est du moins ce que rappelle un article de M. Dupuis publié récemment dans La Revue du Nouvel-Ontario en collaboration avec Alyssa Jutras-Stewart et Renée Stutt.

L’étude insistant particulièrement sur le parcours de l’Ud’O, mais aussi de l’Université Laurentienne à Sudbury, ou encore du Collège universitaire Glendon, dresse un bilan sombre du bilinguisme institutionnel mis en place dans les années 1960.

« Les universités bilingues n’ont jamais été considérées comme une solution adaptée aux aspirations des Franco-Ontariens, mais plutôt comme un prérequis nécessaire à l’obtention de fonds publics pour recevoir une éducation universitaire en français », peut-on lire en conclusion du rapport. Et de poursuivre : « Les universités bilingues ont fini par véhiculer une idéologie correspondant à l’expérience canadienne qui ne voyait plus la dualité culturelle en Ontario comme la priorité qu’elle avait été de 1960 à 1980. »

L’Université Laurentienne est particulièrement montrée du doigt dans le document. Malgré 33% de programmes offerts en français sur le campus, les universitaires montrent que les inscriptions à ces mêmes programmes sont en chute libre, passant de 27% en 1990, puis 21% en 1997 avant d’atteindre 18% en 2007.

La désignation de l’établissement sudburois en vertu de la Loi sur les services en français en juillet 2014 doit être regardée à la loupe, si l’on en croît M. Dupuis. « Il s’agit d’une désignation partielle. On ne parle que de 13 diplômes protégés et non pas des 38 programmes. »

À noter que l’Ud’O est toujours dans l’attente d’une réponse d’une désignation également partielle demandée à l’automne 2012.