Cinq enjeux pour la francophonie à Kapuskasing

Kapuskasing, une ville jardin. WikiCommons

KAPUSKASING – Forte d’une proportion de plus de 65% de francophones dans le nord de l’Ontario, Kapuskasing vit une situation quasi inédite. Petit tour d’horizon.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

Vigilance. Casselman, Hearst, Dubreuilville, Embrun… les communautés ontariennes où le fait francophone est majoritaire se comptent aujourd’hui sur les doigts d’une main. Un chiffre pour Kapuskasing qui plus est stable depuis vingt ans, là où la francophonie tend à s’étioler ailleurs dans la province. « Quand on vit en français de façon naturelle, on se sent moins interpellé », prévient Guylaine Scherer, citoyenne engagée, bien connue des plus de 5000 francophones de l’endroit. « On prend bien souvent le français pour acquis, sans réaliser qu’il s’agit d’un privilège. » Symbole de cet attrait francophone : un bon nombre d’écoles élémentaires et secondaires, un campus du Collège Boréal et un autre de l’Université de Hearst.

Affichage en français. La domination des francophones en termes de population ne se matérialise pas au niveau de l’affichage commercial. À Kapuskasing, la plupart des enseignes du genre sont unilingues anglophones. Pour vanter leurs arguments, ces mêmes entreprises utilisent bien souvent de la publicité uniquement en anglais. « La sensibilisation devient beaucoup moins importante maintenant », estime Pierre Ouellette, recteur de l’Université de Hearst, et résident de Kapuskasing. Pour le moment, la municipalité ne désirerait pas d’un règlement forçant l’affichage bilingue, comme il en va de soi à Clarence-Rockland depuis 2005. « Il faut faire du français un outil, et attirer des entreprises qui misent sur le français et le bilinguisme », croit M. Ouellette.

Exode des jeunes. Les jeunes grandissent à Kapuskasing, puis s’en vont à Toronto ou Ottawa, une fois en âge de travailler. Des faits qui se multiplient depuis plusieurs années. « Dans la plupart du cas, les parents et même les grands-parents ont le goût d’aller les rejoindre », fait savoir M. Ouellette. Un constat valable autant pour les francophones que les anglophones, sauf que les Franco-Ontariens seraient moins nombreux à viser un diplôme universitaire d’après le recteur. « Les francophones se dirigent beaucoup plus vers les programmes de métiers. » Avec ici le risque de se passer de leaders possibles dans la région.

Immigration. La perte de vitesse des secteurs de la foresterie et du papier ont condamné beaucoup d’emplois à Kapuskasing. Résultats? La population de la ville a perdu plus de 300 résidents en cinq ans (8509 résidents selon le recensement de 2006 contre 8196 en 2011). Les sonnettes d’alarme sont tirées, et parmi les solutions envisagées : l’immigration francophone. « On perd des gens, et il faut aller en chercher d’autres », analyse Mme Scherer. Le campus de Kapuskasing, relié à l’Université de Hearst, fait actuellement le pari d’une main d’œuvre francophone pour l’avenir. Une vingtaine d’étudiants y suivent régulièrement des cours. « Nous avons un taux de chômage relativement faible, mais des difficultés à trouver des ponts pour attirer ces immigrants », insiste M. Ouellette.

Services. Fort de ses plus de 65% de francophones, Kapuskasing est plutôt bien loti pour les différents centres de services et activités offerts aux Franco-Ontariens. En témoigne la présence d’un centre de loisirs, d’un centre de santé communautaire, d’une garderie francophone ou encore d’une radio communautaire. « La communauté se porte bien », résume Mme Scherer. Mais le portrait pourrait être encore plus idyllique. « Il y a un manque d’activités pour les jeunes. Nous étudions actuellement le projet d’une Maison pour les jeunes francophones », explique la responsable. Autre défi pour la ville nord-ontarienne : le manque de médecins capables de converser dans la langue de Molière. « Il n’y a pas assez de spécialistes en français, mais ça a toujours été une réalité. »