Un débat énergique

L'ombudsman de Radio-Canada a tranché quant aux plaintes sur le débat électoral en français du 24 septembre.

[CHRONIQUE]
La plus longue campagne électorale dans l’histoire canadienne est à mi-chemin. Pour plusieurs, c’est maintenant que la campagne s’amorce réellement. Les gants sont d’ailleurs tombés lors d’un débat des chefs organisé par le Globe & Mail, le jeudi 17 septembre. Les Canadiens ont une meilleure idée désormais des plateformes économiques des chefs des trois principaux partis.

SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville

À toute fin pratique, les partis politiques sont à égalité dans les nombreux sondages, ils sont tous à 30% des intentions de vote, avec 10% pour les bloquistes et les verts. Le débat du 17 septembre n’a peut-être pas convaincu de nombreux électeurs, mais ce fut à tout le moins un exercice pour galvaniser les troupes. Avec une élection si serrée, c’est sans doute la campagne de terrain qui sera la plus importante.

Cela dit, quel bilan pouvons-nous faire de ce débat?

Le premier ministre conservateur Stephen Harper fuit les débats comme la peste, et il a raison de le faire. C’est le parti politique avec le moins de chance de convaincre des électeurs à venir dans son camp. Il doit, toutefois, s’assurer de galvaniser ses troupes. Si les électeurs conservateurs restent chez eux le 19 octobre, il sera impossible pour le premier ministre d’espérer pour un gouvernement minoritaire.

M. Harper devait présenter un message alarmiste par rapport à ses deux opposants, ce qu’il a fait avec brio. Peu convainquant pour l’électeur qu’il n’a pas déjà converti, Le chef conservateur a martelé son propos : il ne faut pas aller en déficit. Les autres partis, selon lui, ne feront qu’endommager l’économie déjà chancelante. Sur ce point, M. Harper a réussi.

Gaffe de la soirée : En parlant de Canadiens « pure laine » (old stock), les conservateurs ont certainement aliéné de nombreux citoyens avec un propos si raciste.

Le chef libéral Justin Trudeau n’est pas du tout un débatteur. Il est nerveux, parle rapidement, et a de la difficulté parfois à articuler un message. Mais justement, il devait se présenter comme plus progressiste que les néo-démocrates. En affirmant qu’un gouvernement fera trois déficits de 10 milliards $ pour investir dans l’infrastructure au Canada, M. Trudeau a fait preuve, enfin, que son parti avec des idées intéressantes à proposer aux Canadiens. Son idée d’emprunter au nom des municipalités à travers une banque d’infrastructure afin de profiter des bas taux d’intérêt est sans doute la plus intéressante idée qui est sortie du débat.

Gaffe de la soirée : M. Trudeau cherchait sans cesse à interrompre le premier ministre. À un moment, il a dit « c’est faux monsieur le premier ministre » cinq fois en moins d’une minute.

La stratégie néo-démocrate lors du débat était simple : il faut que le chef Thomas Mulcair se présente comme premier ministre d’un pays du G7. Sur ce point, il a réussi brillamment. Il était calme et posé. Les analystes du Globe & Mail n’ont pas hésité une seconde pour dire qu’il a gagné le débat haut la main. Il a d’ailleurs entièrement déculotté Harper sur sa stratégie économique, démontrant que l’extraction de ressources naturelles demeure la priorité du chef conservateur plutôt qu’une diversification de l’économie. Il a en plus assommé le premier ministre sur le traité de libre-échange transpacifique qui risque de porter un grand coup contre l’industrie automobile. Si les gens avaient des doutes sur sa capacité d’être un chef d’État, M. Mulcair a réussi à les convaincre autrement.

Gaffe de la soirée : M. Mulcair a fait une blague de très mauvais goût à l’endroit de M. Trudeau lorsque ce dernier affirmait que la politique de Harper était un écran de fumée, indiquant que le chef libéral était un grand connaisseur de boucane, insinuant qu’il abuse de la marijuana. La remarque était sans intérêt.

À la mi-campagne, il est trop tôt pour savoir si ce débat va réussir à faire pencher la balance d’un côté ou d’un autre. Toutefois, les chefs ont atteint leurs objectifs qu’ils s’étaient donnés. Le reste se décidera sur le terrain.

 

Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.

Note : Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.