Sur les lignes de piquetage

Les assistants de cours, les enseignants contractuels et les assistants de recherche à l’Université de Toronto et à l’Université York ont rejoint les lignes de piquetage, début mars.

[CHRONIQUE]
Les membres du Syndicat canadien de la fonction publique (SCPF), section locale 3903, représentant les assistants de cours, les enseignants contractuels et les assistants de recherche à l’Université York sont en grève depuis le mardi 3 mars à minuit. Ils ont rejoint leurs collègues de l’Université de Toronto qui, quelques jours plus tôt, ont pris le chemin des lignes de piquetage pour protester contre la précarité du travail.

SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville

Les tensions sont élevées entre les étudiants et les membres du syndicat, mais cette grève est beaucoup plus qu’une simple frustration salariale, c’est une critique sociétale du système postsecondaire ontarien.

Alors que les assistants de cours font 30% de l’enseignement de chaque cours et les contractuels, 64% de l’enseignement, ils demeurent dans des postes précaires à des salaires médiocres. Les contractuels n’ont souvent que quelques jours pour préparer des cours, ce qui se traduit par des moments d’improvisation dans les milieux universitaires afin d’arriver à éduquer la nouvelle génération de travailleurs.

Les universités se plaisent dans un tel système. Plutôt que d’assurer une qualité d’éducation à leurs étudiants, elles préfèrent maintenir une flexibilité de donner ou ne pas donner des cours aux contractuels. Du côté des assistants de cours, ils ont décidé de maintenir leurs nombres d’heures de travail à 10 heures par semaine, en dépit du fait que ce soit une véritable chimère. Un assistant de cours travaille en moyenne 15 à 20 heures par semaine tout en devant s’occuper de sa tâche de recherchiste à plein temps.

Précarité systémique

Membre du syndicat à York, j’ai, depuis quelques jours, marché sur les lignes de piquetage au campus principal de l’université et à Glendon. Plusieurs grévistes doivent subir des abus verbaux de la part des automobilistes et des piétons qui leur scandent des insultes. Certains automobilistes s’amusent d’ailleurs à enfoncer leur pied sur l’accélérateur pour faire peur aux grévistes. C’est dangereux et inutile, mais on doit composer avec.

Le niveau d’énergie est quand même élevé. Les gens sont très concentrés sur le but d’améliorer leur sécurité d’emploi. Ils bravent les intempéries et le froid pendant des quarts de quatre heures avec peu de provisions, mais beaucoup de motivation. Les grévistes sont cordiaux, souriants et partagent de l’information avec les gens qui traversent la ligne.
Ce qui est clair, c’est que l’année scolaire pourrait être en péril si la partie patronale ne s’engage pas à trouver une solution à l’écart considérable entre les salaires et les conditions des contractuels et des employés à plein temps. Sur les réseaux sociaux, plusieurs étudiants bruyants fulminent. Toutefois, il ne faut pas exagérer leur hostilité. Les plus solidaires sont souvent les plus timides.

Des écarts spectaculaires

À titre d’exemple, le président de l’Université York a obtenu une augmentation de salaire de 170% entre 2008 et 2009, date à laquelle il obtient le rectorat de l’institution. Il a donc passé d’un salaire tout à fait convenable de 179 000 $ à l’extravagant salaire de 484 357 $.

Un salaire d’assistant de cours à l’UdeT est de 15 000 $. L’écart est insoutenable et, surtout, injustifiable. Les universités, qui sont de prime abord des lieux de découverte et de transmission de savoirs, sont devenues des gigantesques monstres gérés par des centaines d’administrateurs. Pendant que le gouvernement provincial parle d’austérité, les universités multiplient des postes en administration à des coûts faramineux tout en diminuant l’investissement dans l’éducation. C’est le monde à l’envers.

La grève dans les deux universités torontoises ne résoudra pas l’iniquité ni les problèmes systémiques dans le système postsecondaire. Il faudrait avoir une commission d’enquête sur le sujet. Toutefois, elle peut soulager quelque peu les maux du système.

 

Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.

Note : Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.