De la complaisance à l’ignorance

Les «anti-vaxxers», comme on les connaît aux États-Unis et de plus en plus au Canada, fulminent contre ce qu’ils considèrent être la composition dangereuse des vaccins.

[CHRONIQUE]
La députée de Nickel Belt a peut-être perdu un vote en refusant de signer le formulaire permettant à la fille d’un homme de Hanmer, dans le nord de l’Ontario, d’être exemptée du cocktail de vaccin qui est obligatoire pour les enfants d’âge scolaire, mais elle a gagné des admirateurs un peu partout en province.

SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville

France Gélinas affirme qu’elle a été témoin durant son enfance des ravages de la rougeole, la rubéole et des oreillons. Son expérience lui a donné la saine idée de refuser la demande du parent et de l’inviter à consulter un professionnel de la santé. Ancienne professionnelle de la santé, Gélinas, députée néo-démocrate, a pris la bonne décision.

Les « anti-vaxxers », comme on les connaît aux États-Unis et de plus en plus au Canada, fulminent contre ce qu’ils considèrent être la composition dangereuse des vaccins. Les métaux lourds que contiennent les doses de vaccin, allèguent-ils, sont dangereux pour les enfants et les adultes. Les vaccins peuvent engendrer des complications, et ils ne vaudraient donc pas la chandelle.

De plus, ils mettent souvent en doute l’efficacité du vaccin, citant notamment l’exemple du vaccin contre la grippe qui, du moins cette année, a une efficacité nulle ou presque. Heureusement que ceux-ci forment une infirme minorité dans la province. Or, une minorité peut tout aussi facilement participer à une épidémie comme nous le voyons dans le sud de la province.

Jamais à l’abri

Cette prise de position pour le moins ignorante est pourtant une des conséquences ironique de la grande efficacité des vaccins. Si on n’a pas peur de la rougeole, c’est qu’on la croit vaincue.

Pourquoi se protéger d’une maladie qui n’existe plus? La génération allant au secondaire durant les années 1980 a sans doute le souvenir de voir annuellement une réunion d’école où figurait une victime du SIDA qui témoignait de sa maladie. La campagne d’éducation publique a réussi à marquer l’esprit de cette génération pour qui le condom est une nécessité pour se prémunir contre les maladies transmises sexuellement.

Or, la campagne contre le SIDA a été tellement efficace, la médecine moderne si avancée, qu’on se croit à l’abri des ravages de cette maladie qui à peine trois décennies signait l’arrêt de mort du condamné. Les taux de MTS ont augmenté dans la dernière décennie, preuve d’une complaisance relative face aux dangers.

Majeur et vacciné, j’ai été l’heureux témoin d’une cohorte d’élèves qui n’ont jamais été handicapés par les maladies pour lesquels nous immunisons nos enfants encore aujourd’hui.

Éducation à refaire

Or, c’est justement ma génération qui commence à douter de la pertinence du vaccin, ou qui estime les bénéfices beaucoup moins importants que les possibles désavantages. Simple ignorance de l’importance ou une complaisance dangereuse, une minorité bruyante de parents ont sciemment choisi d’oublier leurs cours de biologie pour mettre en danger leurs enfants et la population entière.

Ce n’est pas une question d’opinion; c’est refuser de croire à une réalité scientifique.

Si la plupart des enfants peuvent être inoculés contre ces maladies, certains, surtout les victimes de cancer, ne peuvent pas risquer le vaccin. Ce sont eux aussi que l’on met sur la sellette en refusant le vaccin.

La triste réalité est que, en absence de témoignage des ravages de ces maladies si facilement prévenues, les discours anti-scientifiques des « anti-vaxxers » risquent de gagner du terrain. Il y a peu de différence entre ce discours et celui de croire que la terre créée il y a 4 000 ans. Il faut donc se retrousser les manches et mettre l’épaule à la roue.

Une vaste campagne de sensibilisation est nécessaire pour regagner le haut du pavé dans la guerre pour la santé publique. On a beau rouspéter contre l’aiguille, mais son efficacité est éprouvée.

 

Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.

Note : Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.