Cercle de feu : la province doit envoyer un signal

Le Cercle de feu abriterait de riches gisements de chromite encore inexploités, et dont le potentiel économique est évalué à près de 60 milliards $. Crédit photo: Pixabay /span>

OTTAWA – Depuis la campagne de 2014, l’exploitation minière dans le Cercle de feu fait partie des priorités du gouvernement de Kathleen Wynne qui n’a eu de cesse, dans ses discours du trône, d’en vanter les opportunités économiques. Pourtant, le retrait de Cliffs Natural Ressources a jeté une ombre sur ce dossier. Le gouvernement provincial annonce que le travail se poursuit, mais certains s’impatientent.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Le développement du Cercle de feu peut être une excellente opportunité pour nous. Nous avons déjà l’expertise et nous nous tenons prêts. Mais nous savons aussi que ce genre de projet prend du temps. Il y a des négociations à mener mais nous sommes confiants. La question n’est pas de savoir si le Cercle de feu va être exploité, mais plutôt de savoir quand ça va commencer! »

Dans la voix du maire adjoint du Grand Sudbury, Al Sizer, aucune impatience. Comme le rappelait l’Institut des politiques du Nord dans son étude d’octobre 2015, un projet d’exploitation minière comme celui du Cercle de feu « prend du temps à se mettre en place ». « Pensez un moment à la mine de diamant DeBeers Victor, qui se trouve à quelque 150 kilomètres à l’est du Cercle de feu. Ils se vantent d’avoir actuellement une capacité de production annuelle 600 000 carats, mais la découverte du gisement remonte à 1987. (…)  il a fallu attendre jusqu’en 2008 avant que DeBeers parvienne à la production commerciale », peut-on lire dans le rapport.

Située à quelque 540 kilomètres au nord-est de Thunder Bay, le Cercle de feu est une région  de 5120 kilomètres carrés difficile d’accès. Elle contiendrait le plus grand gisement de chromite jamais découvert en Amérique du Nord, ainsi que plusieurs autres minerais. La chromite est notamment utilisée pour fabriquer de l’acier inoxydable utilisé pour les voitures, les trains, les appareils électroménagers et les instruments chirurgicaux.

Le potentiel économique du Cercle de feu est évalué à près de 60 milliards de dollars de réserves minérales, selon les chiffres de la province.

(Crédit : Institut des politiques du Nord)

Coûts importants

Le retrait de Cliffs Natural Ressources, en 2015, a jeté une ombre quant aux possibilités de voir le projet se développer rapidement, d’autant que la demande mondiale de chromite n’a pas encore connu la croissance espérée.

« Aucune compagnie minière majeure ne s’intéresse au Cercle de feu pour l’instant. Pourtant, cela prend une compagnie avec beaucoup de moyens financiers pour installer les infrastructures adéquates et mettre sur pied des mines. Ces compagnies ont d’autres projets d’exploitation et d’exploration en cours, plus faciles d’accès et plus rentables. De plus, leur situation financière ne les incite pas à investir », explique le Jean-Charles Cachon, Directeur du Département de marketing et de Gestion à la Faculté de Gestion de l’Université Laurentienne.

Aujourd’hui, deux compagnies restent en piste sur le projet : Noront Ressources, qui détient 75 % des parts réclamées dans la région, et KWG, qui est positionné sur l’éventuel corridor du chemin de fer qui devrait permettre de rejoindre la future fonderie à Sudbury. Mais selon M. Cachon, ces deux compagnies n’ont pas la puissance financière nécessaire pour faire avancer le projet.

« On parle de plusieurs milliards de dollars en infrastructures avant même d’avoir construit la première mine. »

Car avant toute possibilité d’exploitation, une route devra être construite, préalable à l’installation d’une voie de chemin de fer.

Manque d’intérêt du privé

En mars 2015, les gouvernements provincial et fédéral avaient annoncé une somme de 785 000 $ pour réaliser une étude qui déterminera la meilleure façon de construire une route permanente pour atteindre le Cercle de feu. Achevée en juin 2016, elle s’ajoute désormais aux négociations menées avec les neuf communautés des Premières Nations de Matawa qui vivent sur le territoire pour le développement du Cercle de feu.

« Pour réussir ce projet, nous devons impliquer tous les niveaux de gouvernement : les Premières nations, les municipalités et le gouvernement fédéral. Nous souhaitons trouver un bon équilibre entre la protection de l’environnement, le développement des ressources et des retombées économiques pour toutes les communautés et tous les Ontariens », indique le ministre ontarien du Développement du Nord et des Mines, Michael Gravelle.

Chargé de représenter les Premières Nations de Matawa, l’ancien premier ministre de l’Ontario, Bob Rae se montre confiant.

« Pour l’instant, nous nous concentrons sur les négociations avec le gouvernement provincial. Il y a des progrès et nous travaillons ensemble pour améliorer les conditions dans les communautés où les défis sociaux sont énormes et les services absents. On ne se donne pas d’échéancier mais espérons que cela avancera cette année. »

Si le changement de gouvernement à Ottawa devrait également aider, selon M. Cachon, un acteur important manque encore autour de la table.

« Actuellement, c’est le secteur privé qui manque. Sans lui, ça ne fonctionnera pas! Mais si le gouvernement avance dans le développement des infrastructures nécessaires, cela peut envoyer un signal fort à des entreprises minières plus importantes qui, voyant le sérieux de la province, pourraient s’engager. »

Aucune proposition de plan d’affaires concernant le Cercle de feu n’est encore parvenue sur le bureau du ministre d’Infrastructure Canada, Amarjeet Sohi, mais le gouvernement fédéral se dit « intéressé à collaborer avec ses collègues fédéraux et avec la province de l’Ontario, les peuples autochtones, l’industrie et d’autres partenaires », indique le ministère, dans un échange de courriels avec #ONfr.

La province devra également s’assurer de soulager les inquiétudes qui existent en matière de protection de l’environnement.

Impatience

Mais les délais de négociation ne font pas le bonheur de la compagnie Noront. Le 17 janvier, l’entreprise indiquait que le processus prenait plus de temps qu’anticipé et que cela pourrait repousser l’objectif initial de commencer à creuser dès 2018. Elle indique avoir entamé des négociations directes avec les communautés des Premières Nations de Marten Falls, Webequie et Neskantaga.

Le député néo-démocrate de Timmins-Baie James, Gilles Bisson, se montre très critique envers le gouvernement libéral.

« Le gouvernement provincial n’a pas de plan, alors que le Cercle de feu constitue une chance économique exceptionnelle pour l’Ontario. En n’établissant pas de cadre précis d’exploitation, le gouvernement crée de l’incertitude qui freine l’intérêt du secteur privé. Cela aurait dû être mis en place il y a un moment et aujourd’hui, on sent une certaine frustration des compagnies minières. »

M. Cachon se montre toutefois confiant quant à l’avenir du projet.

« À terme, il y aura un besoin pour les métaux du Cercle de feu. »