Budget 2016 : pas d’annonce pour les francophones

TORONTO – Les années se suivent et se ressemblent pour la communauté franco-ontarienne qui se voit une nouvelle fois quasiment oubliée dans le budget provincial, présenté le jeudi 25 février.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Quatre petites mentions et puis, c’est tout. Cette année encore, la communauté franco-ontarienne a dû étudier à la loupe le budget de la province pour voir à quoi s’attendre pour la prochaine année.

« Les mentions francophones sont très limitées dans le budget. Après les excuses pour le Règlement XVII, nous espérions un petit signal », reconnaît le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Denis Vaillancourt.

Les attentes étaient nombreuses en matière d’éducation postsecondaire en français après la première « journée d’action » pour la création d’une université franco-ontarienne, le 18 février. Si les plus optimistes espéraient voir une ligne budgétaire annonçant la création d’une université franco-ontarienne, d’autres se seraient bien satisfaits de quelques fonds débloqués pour mettre en place un conseil des gouverneurs transitoire, première étape à la mise sur pied de l’institution tant désirée.

Le directeur général du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), Alain Dupuis, ne cache pas sa déception.

« Nous sommes surpris et déçus. Nous espérions au moins une déclaration de bonnes intentions, une phrase qui aurait envoyé un message que le dossier de l’université franco-ontarienne est sur le radar du gouvernement. Nous ne nous attendions pas nécessairement à des fonds pour une université franco-ontarienne, mais au moins une reconnaissance de l’importance de l’enjeu postsecondaire en français. »

Meilleur plaide la patience

Pire encore, alors que l’enveloppe 16,5 millions $ sur trois ans, dévoilée en 2013, afin d’augmenter l’offre de cours et de programmes en français dans le centre et le sud-ouest arrive à son terme en 2016, rien n’est non plus annoncé pour voir comment poursuivre l’amélioration de l’éducation postsecondaire en français dans cette partie de la province.

La ministre déléguée aux Affaires francophones, Madeleine Meilleur, plaide une nouvelle fois la patience.

« Soyez patients! Il est encore trop tôt pour faire des annonces sur ce sujet car le ministre Moridi (ministre de la Formation et des Collèges et Universités – ndlr) va recevoir bientôt le rapport du comité consultatif. À ce moment-là, il y aura une analyse de faite et des décisions seront prises. Présentement, on ne peut rien apporter au budget parce qu’on ne sait pas quelle forme et quelle structure cela prendra pour permettre l’expansion de l’éducation postsecondaire en français dans ces deux régions. »

Quelques annonces

À Oakville, toutefois, la communauté franco-ontarienne pourra compter sur la reconstruction de l’école secondaire Gaétan-Gervais qui bénéficiera d’une enveloppe de 13 millions $, pour abriter une école, donc, mais également un carrefour récréatif exploité en partenariat avec la ville d’Oakville et le conseil scolaire public de… langue anglaise.

Le collège La Cité, à Ottawa, quant à lui, se voit promettre un investissement pour la création de nouveaux incubateurs interdisciplinaires de créativité, visant à permettre à la population francophone « d’être en mesure de répondre aux besoins émergents du marché du travail », selon les termes utilisés dans le budget.

L’Office des Affaires francophones (OAF) voit son budget légèrement majoré de 700000$ par rapport à 2014, pour atteindre 5,7 millions $, afin de financer notamment le projet de monument de Champlain à Queen’s Park. Le budget de l’OAF avait connu une progression plus importante en 2015 à l’occasion des célébrations entourant le 400e anniversaire de présence française en Ontario.

Priorité à l’emploi

Dans un budget intitulé Des emplois pour aujourd’hui et demain, priorité est donc accordée à la création d’emploi.

Et pour la communauté franco-ontarienne, le gouvernement assure vouloir mettre en place quelques mesures dans le domaine. Il s’engage notamment à « accroître les possibilités offertes aux apprentis francophones », en précisant toutefois que les détails pour concrétiser cette volonté ne seront révélés que dans le courant de l’année par le ministère de la Formation et des Collèges et Universités.

Soucieux d’attirer une main d’œuvre qualifiée pour dynamiser son économie, la province rappelle également son appétit en immigration, ce qui permet au gouvernement de Mme Wynne d’évoquer encore sa cible francophone adoptée en 2015. D’éventuels moyens financiers pour atteindre cet objectif demeurent toutefois absents du budget où l’on se contente seulement de dire vouloir travailler avec le gouvernement fédéral.

Une hypocrisie selon M. Brown

Malgré le peu de mentions francophones dans le budget, Mme Meilleur assure qu’il profitera aux Franco-Ontariens.

« Comme tous les Ontariens, les francophones vont bénéficier des annonces faites aujourd’hui, comme par exemple les étudiants franco-ontariens des collèges et universités issus de familles moins nanties qui profiteront de l’exemption des frais de scolarité mise en place. Ainsi, l’éducation postsecondaire sera accessible à tous les Franco-Ontariens! Les francophones bénéficieront aussi des investissements dans le domaine de la santé et de l’économie. »

S’il reconnaît que le RÉFO est favorable à l’annonce concernant les étudiants moins nantis, M. Dupuis se montre prudent.

« L’annonce concernant l’aide financière pour l’accès aux études postsecondaires pour les moins nantis peut profiter aux francophones et nous y sommes favorables, mais nous n’avons pas tous les détails et aurions espéré une hausse de l’aide financière plutôt qu’une réorganisation. »

Le chef du Parti progressiste-conservateur (PC) de l’Ontario, Patrick Brown, n’a pas manqué de pointer du doigt le gouvernement dans le dossier francophone.

« Je trouve ça hypocrite que le gouvernement s’excuse pour le Règlement XVII plus tôt cette semaine, mais qu’il n’y ait rien de constructif dans ce budget pour les plus de 611000 francophones à travers la province. »

Passée la déception, du côté des organismes francophones, le mot d’ordre est la mobilisation. M. Vaillancourt assure que l’AFO poursuivra son démarchage politique.

« Il faut reconnaître que les enjeux franco-ontariens continuent de recevoir l’appui du gouvernement dans bien des secteurs. Nous avons plusieurs priorités et pour bien faire avancer ces dossiers-là, nous devons continuer à poser des questions. »

De son côté, le RÉFO prévient le gouvernement.

« Nous allons poursuivre les revendications. Si d’autres journées d’action sont nécessaires, alors nous les ferons. Nous allons attendre le rapport sur le postsecondaire en français dans le centre et le sud-ouest qui devrait être publié en mars et voir quelles actions seront prises par le gouvernement. Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement n’a pas fini de nous entendre sur cette question-là. »